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Ма́стер и Маргари́та

jeudi 30 juillet 2009

Traduction française : Le Maitre et Marguerite


Vous connaissez ces livres dont vous entendez parler depuis des lustres, qui traînent dans la bibliothèque de vos parents puis dans la vôtre, qui sont sensés être des classiques incontournables, mais que vous n’avez toujours pas lus ? Non ? Eh bien tant pis pour vous.

En tout cas, Le Maître et Marguerite est longtemps resté dans cette catégorie pour moi, pour la simple et bonne raison que je n’arrivais pas à me faire une idée de ce que j’allais lire en attaquant ce roman. Il est possible que je ne parvienne pas forcément à clarifier les choses pour vous au travers de cette critique. En tout cas dès que j’ai compris qu’il s’agissait du diable débarquant à Moscou, je me suis empressé d’attaquer cette lecture !

Il est d’abord important de poser quelques éléments de contexte pour mieux comprendre cette œuvre. Mikhaïl Boulgakov est un auteur russe (d’origine Ukrainienne) du début du siècle. Auteur de théâtre et de romans, il a été en conflit permanent avec la censure de la Russie Stalinienne. Il commença à écrire Le Maître et Marguerite en 1928, et mourut en 1940 avant d’en avoir achevé la 4è version. Sa femme termina le roman grâce aux notes de son mari. Une première version censurée (12% du texte en moins) parût au début des années 60, mais la version complète de parût qu’à la fin des années 60. Ce roman est aujourd’hui considéré comme une œuvre majeure du 20è siècle, même si son auteur n’a jamais réellement percé de son vivant. Il est semble évident que Boulgakov a introduit le fantastique et la magie afin de critiquer le système de manière détournée. Il est d’ailleurs intéressant de voir (dans certaines éditions) les passages qui étaient auparavant censurés…leur caractère licencieux n’est pas forcément évident pour un lecteur contemporain…

Le roman est constitué de deux trames parallèles : une se situe dans le Moscou des années 30. Satan s’y manifeste sous l’apparence d’un magicien étranger, Woland, venu en représentation à Moscou, accompagné d’une joyeuse troupe de démons provocateurs. Ce petit groupe décide de semer la pagaille à Moscou, s’attaquant principalement à l’élite littéraire et à la Nomenklatura, mettant chacun face à ses contradictions, sa petitesse d’esprit, ses vilénies. C’est dans cette partie qu’apparaît le personnage du maître, auteur aigri qui a rejeté le monde entier (y compris sa bien-aimée Marguerite) et a terminé dans un hôpital psychiatrique. Plus tard dans cette même trame, on suivra les aventures de Marguerite apprentie sorcière qui accompagne Woland et sa troupe dans une sorte de Bal des Monstres ou Satan est l’hôte.

L’autre trame, racontée à une tierce personne par Woland se situe au 1er siècle à Jérusalem, au moment de la condamnation et de l’exécution de Jésus. Cette partie est centrée sur le personnage de Ponce Pilate, procurateur de Judée et représentant de Rome.

Tout ceci n’est pas très clair ? C’est normal, l’histoire est relativement alambiquée, donc n’allez pas blâmer votre serviteur pour son manque de clarté. Il est très difficile pour moi de donner une opinion d’ensemble sur ce roman, car si je dois citer son principal (et quasi-seul) défaut, c’est son manque de cohérence d’ensemble, de liant. J’y reviendrai plus tard, regardons d’abord les différentes parties du roman :

A mon sens, les péripéties de Woland et de sa troupe constituent l’élément le plus intéressant du livre. La description du Moscou des années 30 est très vivante : les personnages sont hauts en couleur (ou en noirceur), l’hypocrisie de l’intelligentsia de l’époque est très finement abordée. Les acolytes de Woland usent de tours de magie et d’ironie pour acculer des notables engoncés dans leurs certitudes et les mettre face à l’absurdité de leurs comportements. On se régale à chaque dialogue et chaque mauvais tours joué, et le style de Boulgakov, (assez typique des grands auteurs russes - prose primesautière, chaotique, pleine d’ironie) n’enlève rien. Boulgakov met ici tout le monde dos à dos, tout le monde en prend pour son grade, et utiliser la magie rend les choses encore plus distrayantes. La critique implicite de la société est à la fois fine et amusante, et le fait de donner un rôle attachant à Satan et à ses démons permet de flouter les notions de bien et de mal. Bref, durant toute cette partie du livre, qui est la plus longue, on se marre vraiment tout en apprenant…de la vraie culture pour tous…

La partie concernant Ponce Pilate est clairement se déroule sur un rythme plus lent et plus dramatique, mais reste très intéressante. Elle montre la souffrance intérieure de Pilate du fait de sa fascination pour Jésus, qu’il est obligé de condamner. J’ai été plus intéressé par la profondeur des tribulations de Pilate que par la réflexion sous-jacente sur la morale que je vous laisserai interpréter par vous-mêmes si vous lisez le livre. En effet, je suis toujours impressionné quand des écrivains arrivent à mettre en scène des personnages historiques célèbres, les humanisent tout en conservant leur dimension mythique. Les références et symboles sont nombreux, mais je crains que la plupart ne m’aient échappé…certains disent même que Pilate est une référence à Staline…

L’histoire du Maître et de Marguerite me laisse plus perplexe. S’il est vrai que les personnage ont une certaine épaisseur, on a du mal à s’attacher réellement à leur histoire, sachant qu’il sont censés être le liant du roman. L’amour du Maître et de Marguerite est beau, réaliste, immuable, vécu à la fois comme un miracle et une malédiction, mais on se demande parfois ce qu’il vient faire la. Les scènes où Marguerite joue à la sorcière sont merveilleusement bien écrites et certains auteurs de Fantasy pourraient en prendre de la graine. Mais la manière dont tout cela s’articule n’est pas claire. Les diverses analyses faites sur ce roman voient plus une cohérence sur le fond (une remise en question des notions de bien et de mal) que sur l’histoire, mais je trouve que cela n’est pas suffisant.

Loin de moi l’idée de vous décourager de lire ce roman, au contraire, je tenais seulement à vous prévenir car il est relativement surprenant dans sa structure. Au final il s’agit d’un livre très intéressant (que ce soit sur les considérations morales ou sur la critique de l’époque), extrêmement bien écrit, très souvent drôle, et où la magie sert la satyre politique et sociale à merveille. C’est un livre qu’il faut avoir lu, ne serait-ce que parce qu’il n’en existe aucun autre de semblable, et pour pouvoir se faire une opinion…

Juste pour vous tenter un peu plus, de nombreux écrivains et musiciens se sont inspirés de ce roman : les Rolling Stones dans Sympathy for the Devil, Rushdie dans les Versets Sataniques, Franz Ferdinand dans Love & Destroy, et j’en oublie…

Auteur de cette chronique : Michael