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Station Eleven, de Emily St John Mandel

lundi 18 avril 2016


Pas de traduction française

Quatrième roman de son auteur et sorti en 2014, Station Eleven a reçu de nombreuses critiques élogieuses, suffisamment pour que je prenne le risque (rare) de le lire sans en connaître les thèmes ni le synopsis.

“The oldest hath borne most; we that are young
Shall never see so much nor live so long.”

C'est une impression que tous les lecteurs ne partageront peut-être pas, mais je rapproche Station Eleven d'un autre roman récent qui abordait des thèmes généralement du domaine de la littérature blanche, et ce dans un décor post apocalyptique : La Route, de Cormac McCarthy. L'humanité mise en face d'une catastrophe qui trace une ligne délimitant un avant et un après.

La Route se concentrait sur le thème de l'humanité (quel choix de "vie" fait-on lorsqu'on est face à une situation qui a passé le stade du désespoir). Cette question est bien présente dans Station Eleven, mais elle n'est pas aussi centrale (en partie à cause d’un contexte différent).

La Route nous faisait suivre un duo de protagonistes sans Histoire, et aussi bruts que possible pour les rendre universels. Station Eleven s'intéresse davantage à la façon dont la Catastrophe nous transforme, et transforme notre relation aux autres. Le livre est partagé à parts égales entre souvenirs du passé et exploration de la situation post-catastrophe.

"Survival is insufficient"

Ce n'est en aucun cas un livre dont l'intérêt repose sur son scénario, ou ses qualités d'anticipation. Si vous êtes un(e) habitué(e) du genre, vous n’y trouverez rien de bien nouveau. Tout repose sur le traitement des personnages, leurs états d'âme, leurs interactions. Une connaissance minimale des thèmes de certaines oeuvres shakespeariennes permettra d'en tirer une saveur supplémentaire, mais c'est complètement facultatif.

Un peu paradoxalement, Station Eleven comporte de nombreux éléments de genre ou de culture populaire dans son "décor" (références à Star Trek, aux Comics, et à la marge aux consoles de jeux et autres iPad) mais présente des préoccupations qui sont plutôt celles de la littérature blanche.

"Hell is the absence of the people you long for."

A la lecture, mon principal regret est que l'auteur n'ait pas fait le choix d’un format plus long, lui donnant le loisir d’explorer plus profondément ses thématiques ainsi que le microcosme que représente la troupe de la Traveling Symphony (la troupe de théatre qui forme un des coeurs du récit). Emily St John Mandel avait indéniablement les moyens de développer certains éléments souvent rencontrés dans ce type de roman (par exemple, le personnage du faux prophète) afin d’exprimer une idée plus intéressante et plus personnelle.

Sans parler de son principal apport sur le plan de l'anticipation : la réflexion sur la transmission de la culture dans une société décomposée. L'idée est ô combien intéressante, mais son traitement est si succinct qu'il est difficile de ne pas en être frustré.

Ces défauts empêchent Station Eleven de s’approcher du titre de chef d’oeuvre, mais ne sont pas rédhibitoires pour autant : il reste un livre au dessus du lot qui finira probablement dans mes meilleures lectures de l’année.