Traduction française : Flashback (Robert Laffont)
"En 2035, l'Amérique a beaucoup changé. Le Monde aussi. Nick
Bottom, un ancien policier de Denver, à peu près ruiné, et qui vit
d’allocations sociales, comme la plupart des Américains, est engagé par
le multimilliardaire japonais Hiroshi Nakamura pour reprendre l’enquête
sur l’assassinat de son fils Keigo et de la compagne de celui-ci,
survenu six ans plus tôt. Nick a enquêté à l’époque sur cette affaire
mais depuis la mort de sa femme, Dara, dans un accident de voiture, il a
quitté la police parce qu’il est devenu accro au flashback, une drogue
illégale. Le
flashback permet de revivre des souvenirs parfaits. Toute
l’Amérique s’adonne au flashback : c’est pour les plus jeunes le moyen
de revivre leurs pires turpitudes et pour les plus vieux celui de
retourner dans le monde idéal d’autrefois.
Car l’Amérique, en
faillite financière, politique et morale, s’est désintégrée. Le Nouveau
Mexique a été envahi par les hispaniques de la reconquista et la
Californie risque de l’être. Plusieurs États ont proclamé leur
indépendance.
Par ailleurs, la Chine a éclaté en Royaumes Combattants
et des troupes américaines mercenaires y mènent des
guerres de pacification sans espoir pour le compte du Japon néo-féodal.
Israël a été détruit par onze bombes thermonucléaires et les quelques
dizaines de milliers de survivants, accueillis par les États-Unis, ont
été parqués dans des camps. Et surtout le Califat Global étend son
emprise totalitaire sur l’ensemble de la planète…" (Editeur)
L'univers dans lequel se déroule l'action de Flashback est un futur proche (2035) dans lequel toutes les peurs profondes de l’Amérique conservatrice se sont concrétisées : terrorisme rampant, islam radical lancé à la conquête du monde, mise en minorité de la "race blanche" par les latinos dans la sun belt, immigration clandestine incontrôlée, faillite de l’État providence sous le poids de programmes sociaux démesurés, perte d'influence géopolitique du pays, et enfin démembrement des États-Unis et asservissement de ses citoyens aux intérêts asiatiques et à la drogue. Dans ce contexte, qui apparait comme un assemblage de clichés, on suit les aventures de Nick Bottom, flic drogué au Flashback, Val, son fils délinquant, et Léonard, le beau-père de Nick et professeur d'université émérite.
Le contexte géopolitique, tel que présenté ici, ressemble beaucoup à ceux que l'on peut trouver dans certains livres de jeu de rôles futuristes, mais les jeux de rôles ont en général des univers plus poussées, et avec moins de clichés que dans ce dernier Simmons. Car avec les informations présentées ici, vous savez déjà tout : Simmons ne cherche à aucun moment à développer les motivations, rapports de forces, enjeux, ou tout autre élément qui pourrait donner une certaine épaisseur et crédibilité à son propos :
La Chine s'est désagrégée, puis divisée entre multiples seigneurs de guerre en combat constant ? Soit. Pourquoi ? Comment ? On n'en saura pas plus.
L’Union Européenne à ouvert ses portes à l'immigration venue du Moyen-Orient, et a été absorbée dans le "bloc" islamiste ? Soit. Le sujet ne sera jamais développé.
Les États-Unis, criblés de dettes, ont subitement et simplement décidés d'abandonner leur souveraineté et de devenir les laquais de l'ONU et d'un Japon devenu subitement la première puissance politique de la planète ? Cela semble peu probable (on ne parle pas de la Grèce, mais d'une superpuissance militaire), et pourtant Simmons ne cherchera jamais à donner la moindre explication à peu près vraisemblable pour expliquer ces évènements.
Un travail de recherche de base a été effectué sur l'économie, mais limité à une régurgitation des théories anti-keynésiennes (et simplifiées de manière consternante en "les programmes sociaux entraînent inévitablement la décadence d'une société"). Au delà de cette "recherche" de base, Simmons ne
présente aucune réflexion sur la géopolitique ou sur l'économie. Il ne s'y essaie
même pas, se contentant de s'en servir comme toile de fond pour colorer
son récit.
Or si le scénario dans son ensemble est intéressant et tiens la route (hormis la fin qui me parait on ne peut plus improbable, et le sous-texte pathétique), les clichés et autres simplifications ne s'arrêtent pas à l'univers, puisqu'on voit apparaitre beaucoup des lieux communs du cyperbunk et du policier hardboiled, avec notamment pour personnage principal un ancien flic brillant dont la femme est morte, et qui s'est réfugié dans la drogue pour en définitive se faire éjecter de la police... Le démarrage est par ailleurs des plus poussif, et la scène de dialogue d'introduction entre Nick et son nouvel employeur japonais atteint des sommets dans l'insipide.
A noter que, le Japon disposant d'une place importante dans cette histoire, Simmons à fait le
choix d'en utiliser la langue d'une manière complètement débridée (des dizaines de
phrases et de termes japonais sont utilisés dans le livre) et surtout
catastrophique, puisque de nombreuses erreurs sont à déplorer : syntaxe,
orthographe, grammaire, tout y passe, même des fautes de frappe comme l'ami Daichi Omura qui devient Daichu Omura, page 441. Seul point positif :
l'utilisation judicieuse de "seppuku" plutôt que "harakiri", sans quoi
j'aurais prescrit l'éventrement.
Que conclure après ça, si ce n'est qu'il s'agit pour moi d'une œuvre à fort potentiel, écrite avec nonchalance et une grande paresse intellectuelle par un auteur très talentueux, qui a limité ses recherches au minimum syndical pour sortir le plus rapidement possible un livre qui lui permette de cracher sa frustration sur les choix politiques qui sont opérés dans son pays, le tout sous couvert d'une fiction pas désagréable à lire, mais très en deçà de ce que son auteur est capable de produire.
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