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Entretien avec... Nathalie Dau

mardi 30 octobre 2007
Il y a quelques semaines, j'avais présenté sur ce blog une oeuvre du nom de Contes Myalgiques, un recueil de contes de la très prometteuse Nathalie Dau.

Aujourd'hui, Nathalie me fait le plaisir de satisfaire à ma curiosité maladive en répondant à mes nombreuses questions.

Cette discussion se veut un complément aux interviews disponibles sur son site Internet, que je vous encourage à découvrir si vous souhaitez en apprendre un peu plus sur son univers.




Parlons tout d'abord de Contes Myalgiques, ta dernière publication. Pourquoi avoir choisi ce titre assez étrange pour ton premier recueil ?

N.D. : En mars 1998, les médecins m’ont informée que mes douleurs et ma fatigue chroniques étaient causés par une maladie, alors peu connue : la fibromyalgie. Je suis donc fibromyalgique. Mais comme je suis plutôt douée en matière de jeux de mots à deux centimes d’euros, j’ai fini par décréter que j’avais, en réalité, la fibre magique. Ma façon de lutter, de refuser de subir passivement.

J’ai essayé divers traitements mais aucun n’a fonctionné. Il faut dire qu’au niveau des pathologies associées, j’ai tiré le gros lot : une intolérance aux médicaments. Cependant, lorsque j’écris, j’atteins un état de concentration assez particulier, un peu comme si je quittais mon corps. J’en oublie parfois de boire et de manger – ce que je paie ensuite, le moment de grâce passé. J’en oublie aussi, temporairement, la sensation de la douleur. Et plus tard, lorsque le fruit de ce travail rencontre un accueil favorable, la joie que j’en retire augmente naturellement mon taux d’endorphine, ce qui soulage aussi ma souffrance quotidienne.

A force de vivre avec cette souffrance, je l’ai quelque peu apprivoisée. Je l’observe, je l’étudie. Logiquement, elle est présente dans mon écriture. Tous les textes du recueil parlent de souffrance, physique ou morale (à ce niveau-là aussi, la vie m’a donné matière à parler d’expérience). Parfois, c’est elle qui l’emporte, parfois, elle est contrainte de rendre les armes. Et toujours, elle est transcendée par l’émerveillement ou l’effroi qu’elle suscite. La myalgie donne naissance à la magie, noire ou blanche. Telle est l’explication du titre.



Dans Contes Myalgiques, tes histoires mélangent les univers fantasy, fantastiques ou féeriques, avec un soupçon d'épouvante. As-tu une fascination particulière pour ce type d'univers ? As-tu toi-même des ancêtres parmi le petit peuple ?

N.D. : Jeune adolescente, j’écrivais de la fantasy alors que j’ignorais que ce genre littéraire existait. J’essayais d’ailleurs de brider ma plume, car je tentais de construire, en ce temps-là, un roman historique des plus sérieux. Mais j’avais sans doute trop baigné dans les ouvrages mythologiques et les contes de fées. Et puis, vers dix-huit ou dix-neuf ans, j’ai découvert Tolkien, et cela a représenté, pour moi, une véritable libération.

Des ancêtres parmi le petit peuple ? Pas à ma connaissance. Même s’il est arrivé, à plusieurs reprises, que des inconnus m’abordent dans la rue, juste pour me dire qu’en me voyant, ils avaient eu le sentiment de contempler une fée… et ils s’en repartaient aussitôt, parce que ce n’était rien de plus qu’une impression fugace et le besoin de l’exprimer avant de reprendre la route. Il est aussi arrivé qu’on me traite de sorcière, à cause de ces intuitions que j’ai parfois et qui s’avèrent. Mais je ne contrôle rien du tout, et souvent il ne se passe rien pendant de longues périodes.

Pour en revenir au mélange d’univers présent dans mes histoires, je dirais que c’est la vie qui l’impose. Je ne vois pas le monde de façon manichéenne et je ne crois pas à l’utopie du bonheur (d’autant moins lorsque les média nous le présentent comme dépendant de la possession matérielle). J’ai plutôt tendance à considérer que les épreuves et les chagrins sont ce qui fait notre vraie force, si nous savons les surmonter et nous servir d’eux comme autant de marches d’escalier, afin de progresser. Vers quoi ? Vers une meilleure compréhension de soi-même et de l’autre, du monde auquel nous participons. Mieux comprendre pour moins nuire et mieux s’harmoniser. Tenter de dominer cette peur dévorante qui nous hante du berceau à la tombe. Tenter, oui. Pas facile, en ce qui me concerne, car je suis aussi une angoissée chronique. Mais aborder le mal de façon positive, refuser de se poser en victime, accepter ce qu’on est au lieu de nourrir des regrets, et faire avec… ça aide énormément.


Le nom complet de ton recueil est « Contes Myalgiques I : Les Terres qui rêvent », je ne prends donc pas trop de risques en imaginant qu'une ou plusieurs suites sont prévues. Peux-tu trahir quelques secrets d'état et en parler brièvement ?

N.D. : Un second volume est prévu, en effet. Cinq textes sont achevés et retenus par l’éditeur, je travaille à compléter le sommaire. Ce second volume devrait être plus sombre que le premier (qui explorait surtout la dimension « contes », tandis que le suivant explorera la dimension « souffrance ») et comporter davantage d’histoires se situant à notre époque. Je sais très exactement quoi écrire, et plusieurs de mes textes sont bien avancés. La parution de ce second volume est prévue pour fin 2008.


Contes Myalgiques est ton premier recueil de nouvelles, mais tu as aussi écrit un roman (Bleu Puzzle) sous le nom de Nathalie Letailleur. Quel est ton format d'expression préféré, nouvelle ou roman ?

N.D. : Je n’ai pas de préférence, je me sens à l’aise dans les deux exercices. J’ai d’ailleurs un second roman, Les Débris du Chaudron, qui doit bientôt paraître, aux éditions Argemmios : il s’agit d’une version révisée, enrichie, et illustrée, d’une novella que j’avais précédemment publiée dans l’anthologie Royaumes, éditions Fleuve Noir.

A propos de romans, je travaille depuis 20 ans maintenant à un vaste cycle de fantasy, qui me tient particulièrement à cœur, et se déroule sur un monde secondaire où de nombreux éléments, notamment le rapport à la mort, diffèrent de ce que nous connaissons. Lorsque j’y travaille, je m’immerge totalement dedans. Or, quand on a des enfants ainsi que d’autres activités professionnelles, une telle immersion n’est pas possible sur le long terme.

Je pratique également l’immersion pour les nouvelles, mais cela me pose moins de difficultés au quotidien, d’abord parce que ces textes-là restent sur Terre, donc me sont moins dépaysants, ensuite parce que la forme courte ne requiert pas autant de temps que la forme romanesque.



Quelles sont les différences entre la Nathalie Letailleur de 1991 et la Nathalie Dau de 2007 ? Si vous pouviez-vous rencontrer, quels conseils donnerais-tu à ta cadette ?


N.D. : Ce sont davantage des différences d’ordre privé que d’ordre professionnel ou artistique. J’ai bien évidemment acquis davantage d’expérience et de maturité. Mon vécu s’est enrichi. Parfois, lorsque je regarde en arrière, j’ai le sentiment qu’il s’agit de deux personnes différentes. Entre 1991 et 1992, outre la publication de Bleu Puzzle, j’ai vécu divers évènements traumatisants qui ont bouleversé ma vie et ma façon d’envisager mon avenir. On pourrait penser que la Nathalie d’aujourd’hui révèlerait à sa cadette le moyen d’éviter ces événements, mais, en fait, je pense qu’ils étaient nécessaires. Sans eux, je ne serais pas devenue celle que je suis. Sans eux, je n’écrirais probablement pas sur les mêmes sujets, ni de la même manière. Je suis morte jadis, pour renaître à autre chose. Les regrets ne servent à rien, accuser la fatalité ne sert à rien. Il est bien plus constructif de faire avec, d’assumer, et de continuer à grimper les marches de cet escalier d’épreuves qu’est l’existence.

Alors je n’aurais aucun conseil à lui donner. De toute façon, les jeunes n’écoutent jamais la sagesse des anciens ;op


Ton style d’écriture me parait assez unique dans le paysage fantastique français. J'aurais aimé savoir quels sont les écrivains que tu admires, tes influences ?

N.D. : Je suis loin d’être la seule « styliste » parmi les auteurs actuels ! Mélanie Fazi, Pierre-Alexandre Sicart, Charlotte Bousquet, Fabrice Anfosso, par exemple, ont une écriture ciselée, poétique, et une « respiration », avec lesquelles je me sens souvent en harmonie. Il m’est déjà arrivé de les lire et de penser : « Si j’avais dû écrire ceci, je l’aurais probablement fait de la même façon ». Les nouvelles de Léa Silhol m’ont touchée, aussi. Quant à Jean Millemann et Delphine Imbert, ils m’ont fait verser d’abondantes larmes !

Il existe tout un tas d’auteurs que j’admire mais que je connais encore trop peu au travers de leurs œuvres, par exemple Joëlle Wintrebert ou Francis Berthelot, mais ce sont des lacunes que je comble peu à peu, au fil de mes acquisitions et de mes lectures.

Parmi les francophones, j’apprécie aussi beaucoup des auteurs comme Philippe Ward et Sylvie Miller, Jess Kaan, Emmanuelle Maia, Sire Cédric, Céline Guillaume, Xavier Mauméjean, Karim Berrouka, Li-Cam… Pfff, il y en a trop, j’en oublie plein, surtout ne m’en veuillez pas, les amis !

Pour les anglo-saxons, j’ai vraiment accroché au Trône de Fer, de George Martin, et à l’Assassin Royal de Robin Hobb. Je reste fidèle à Marion Zimmer Bradley pour Ténébreuse et Les Dames du Lac, à Tanith Lee pour Le Dit de la Terre Plate, et à Ursula Le Guin pour Terremer.

Il y a aussi un roman français qui m’a bouleversée et dont je ne suis toujours pas remise : Parleur, d’Ayerdhal.

Mais ceux qui m’ont vraiment influencée sont Tolkien, grâce auquel j’ai découvert la Fantasy, Jean Giono, Alphonse Daudet et Marcel Pagnol, qui m’ont enseigné la tendresse de l’auteur pour ses personnages, ainsi que l’art de regarder le quotidien et la simplicité avec un œil émerveillé. Hoffmann et ses contes fantastiques. Andersen, Perrault et les frères Grimm. Saint Exupéry et Kipling. Les mythologies et folklores du monde. Et puis je puise beaucoup mon inspiration dans les travaux d’auteurs tels Claude Lecouteux, Georges Dumézil, Jean Markale, Jacques Bril…


As-tu d'autres projets littéraires dans un futur proche ? Le Livre de l’Enigme, La Geste des Robes Bleues, mais qu'est-ce donc ?

N.D. : Comme expliqué plus haut, j’ai un second roman, Les Débris du Chaudron, illustré par Magali Villeneuve, qui doit sortir entre Halloween et Noël. J’ai également écrit un long article de 25000 signes sur les Lancedragon, pour le dossier Weis et Hickman du numéro 25 de la revue Faeries. Je participe, par le biais de deux articles, au Dictionnaire Encyclopédique des Littératures de l’Imaginaire, à paraître en 2009 aux éditions Atalante. Je suis au sommaire de plusieurs anthologies dont la parution est programmée pour 2008 (De Brocéliande en Avalon, dirigée par Lucie Chenu, aux éditions Terre de Brume, pour le printemps, et Le Crépuscule des Loups, dirigée par Charlotte Bousquet, anthologie pour laquelle nous attendons encore confirmation). Je finalise, avec Alexandre Dainche, un conte illustré pour enfants (niveau CE2-CM1). Et je travaille, avec Krystal Camprubi, à un ouvrage un peu particulier (dont je ne peux pas dire grand-chose en raison de la clause de confidentialité figurant sur mon contrat) prévu pour 2008. Sans oublier le second volume des Contes Myalgiques, dont nous avons déjà parlé.

Le Livre de l’Enigme et La Geste des Robes Bleues représentent probablement mon projet le plus personnel. Il s’agit d’un cycle de fantasy, en deux époques. J’y travaille depuis juillet 1987, mais pas de façon continue en raison de nombreux impératifs. Et puis j’ai été amenée à effectuer des remaniements majeurs au niveau de la construction, sur les conseils de Marion Mazauric. Le premier volume est en bonne voie d’achèvement, mais nécessitera de ma part que je me « pose », c’est-à-dire que je cesse de mener plusieurs projets de front, car ce cycle exige de moi une immersion totale, parfois incompatible avec mon quotidien, ainsi que je l’ai déjà expliqué.


En plus d'écrivain, tu es également anthologiste (L'Esprit des Bardes). Que t'apporte ce travail sur le plan artistique ? Utilises-tu ton expérience dans ce domaine pour progresser dans tes propres écrits ?


N.D. : La direction d’anthologie est très enrichissante d’un point de vue personnel. J’apprécie les échanges constructifs. Quand on n’est pas soi-même l’auteur du texte, on bénéficie de l’indispensable recul, et l’on est plus à même de déceler les éventuelles ellipses ou incohérences narratives. Pourtant, je ne me serais pas lancée dans cette aventure si je n’avais pas été capable, au préalable, de regarder mes propres écrits d’un œil très critique. En tant qu’écrivain, je me considère à la fois comme une artiste et une artisane, et je n’hésiterai jamais à remettre cent fois mon ouvrage sur le métier, dans l’intérêt du texte. Cela ne m’empêche pas de contester, parfois, les corrections qu’on me suggère, surtout si ces corrections se situent au niveau du vocabulaire ou du style (j’ai ma voix propre, mes mélodies internes, et je me battrai toujours pour en préserver l’intégrité). En revanche, je reste toujours à l’écoute quand il s’agit de rendre le texte plus compréhensible pour le lecteur, et c’est dans cet esprit que je dirige mes auteurs lorsque j’enfile ma casquette d’anthologiste. Je crois que c’est un travail qui implique beaucoup de respect : celui de l’auteur, celui de l’histoire narrée, celui du futur lecteur. J’ai toujours ces notions à l’esprit, lorsque j’écris comme lorsque je lis.


Que penses-tu du milieu de l'édition en France, plus précisément dans le domaine de la littérature de genre SFFF ? Il n'y a jamais eu autant de nouveaux auteurs publiés chaque année, ce qui est évidemment une bonne chose, mais c'est un phénomène qui rends très difficile de sortir de l'anonymat et de vivre du métier d’écrivain.

N.D. : Sortir de l’anonymat et vivre du métier d’écrivain est difficile, en France, quel que soit le genre littéraire. C’est effectivement d’autant plus difficile pour les auteurs de SFFF dans la mesure où les littératures de l’imaginaire sont marginalisées, dans notre pays. Pas tellement à cause du lectorat qu’à cause des médias et des leaders d’opinion. Diverses études ont été réalisées sur le sujet par des professionnels de la question, on en discute à longueur de temps sur les listes dédiées, les forums d’éditeurs, il m’est donc impossible de répondre de façon concise à ce qui mériterait une thèse.

Pour vivre de sa plume, une seule façon : être rémunéré pour ses interventions (ateliers d’écriture, rencontres avec le lectorat, participation à des débats…) et vendre suffisamment d’exemplaires de ses titres. Or l’édition de SFFF ouverte aux auteurs français est essentiellement constituée de petits éditeurs indépendants qui n’ont pas les moyens de faire du battage publicitaire à grande échelle, d’assumer les frais de déplacement et représentation de leurs auteurs, ni de payer les lourds tickets d’entrée exigés par la grande distribution. Du coup, les titres ont du mal à quitter le circuit de la librairie spécialisée, et vont toucher quasi exclusivement les passionnés du genre, les « purs et durs », qui sont malheureusement trop peu nombreux pour générer à terme, en matière de droits d’auteur, ne serait-ce que le minimum exigé par l’Agessa pour nous ouvrir droit aux prestations sociales (pour lesquelles, cependant, chaque auteur cotise sitôt qu’il publie un texte rémunéré).
Je ne pense donc pas que ce soit l’arrivée des nouveaux auteurs qui soit pénalisante pour sortir de l’anonymat et vivre de sa plume. D’autant que trop de voix se sont tues, ces derniers temps, les annonces de décès ont été nombreuses. De toute façon, il en va de l’écriture comme de tout : la vieille garde se sclérose si elle n’accepte pas l’arrivée du sang neuf.


Nathalie Dau, Catherine Dufour, Léa Silhol, Mélanie Fazi, Charlotte Bousquet, M.H. Essling. C’est un petit extrait du palmarès du prix Merlin. Mais où sont les hommes ?!

N.D. : Jess Kaan (Merlin nouvelle 2003), Laurent Whale (Merlin nouvelle 2005), Philippe Ward (Merlin nouvelle 2004 pour son texte co-écrit avec Sylvie Miller)… et Sire Cédric cette année, en catégorie roman.

Il est vrai que, globalement, on trouve davantage d’hommes au palmarès du prix Rosny aîné.

Je crois pourtant qu’on ne peut pas en conclure grand-chose, et surtout pas que les femmes seraient davantage auteurs de fantasy/fantastique, tandis que les hommes seraient davantage auteurs de SF. Pour preuve : Catherine Dufour a été récompensée dans les deux catégories.


J'ai appris que tu étais également parolière. Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette activité ?

N.D. : Un conte de fées qui ne se termine pas très bien, pour faire simple. J’avais envoyé un de mes poèmes à la mère du chanteur Roland Karl (je l’avais rencontrée sur un forum et nous avions sympathisé). Le texte lui a plu, elle l’a transmis à son fils qui a aimé aussi, et le poème est devenu les couplets de la chanson Tu Vis ! tandis qu’Eddy Jouglet écrivait le refrain et composait la musique.

La chanson a été déposée à la Sacem, je suis bien créditée comme co-parolière. Roland a créé Tu Vis ! sur scène à Châlons-en-Champagne, le 27 août 2005, en ma présence. Depuis, il l’a interprétée à diverses reprises (au Hard Rock Café de Paris, lors de ses tournées d’été, lors de ses concerts en région rémoise…)

Mais il faut avoir écrit cinq chansons, dont une justifiant d’une exploitation commerciale, pour pouvoir devenir adhérent de la Sacem. J’ai écrit d’autres paroles de chansons, mais je n’ai pas en main les papiers exigés par le dossier d’adhésion. La Sacem sait très exactement quand ma chanson est jouée, puisque les organisateurs de spectacles et les artistes sur scène sont tenus de déclarer chaque titre interprété. Pourtant, administration oblige, on refuse d’effectuer un croisement des dossiers et l’on me demande de fournir ces fameux justificatifs que je n’ai jamais possédés (et ce n’est pourtant pas faute de les avoir demandés à Roland).

Tout se serait trouvé simplifié si la chanson avait été enregistrée sur CD et vendue, mais l’album de Roland est constamment repoussé, et ma chanson n’est même pas certaine d’y figurer. Donc la seule exploitation commerciale reste les concerts.
Ainsi, les quelques droits qui me sont dûs demeurent bloqués à la Sacem. Je doute parvenir à les récupérer un jour. J’aurais bien tenté de proposer mes autres chansons à des maisons de disques, mais c’est un milieu très fermé, je ne sais pas à qui m’adresser, et puis l’on m’a laissé entendre que je n’avais pas les bons « pistons »… alors on dira simplement que pour l’instant, ce n’est pas ma priorité.


Par un procédé magique quelconque, tu as ramené de tes voyages trois petites lutines. A-t-on une chance de les voir emprunter le même chemin que leur maman ? Je suis sûr qu'elles montrent déjà un certain talent pour manipuler la réalité...

N.D. : Tu peux effectivement parler de magie, car avoir des enfants n’a pas été simple, pour moi. J’ai vécu plusieurs fausses couches, subi des opérations et des traitements, et mes grossesses ont été à risques (surtout la première). Mais finalement, mes filles sont là et je les adore toutes les trois, bien évidemment.

Cependant, elles sont trop jeunes pour qu’on puisse décréter quoi que ce soit au sujet de leur avenir professionnel. Elles ont de l’imagination, comme tous les enfants de leur âge, et l’expriment au travers de leurs dessins ou de leurs jeux, qui ne diffèrent en rien de ceux des autres fillettes que je croise à l’école. J’ai fait en sorte de ne pas étouffer en elles le sentiment du merveilleux, mais j’ai refusé de les influencer. J’ai toujours préféré leur donner une connaissance variée des choses, leur exposer les différents points de vue, pour qu’elles puissent se forger le leur au moyen de leur libre-arbitre.

Ainsi, ma fille aînée semble davantage portée vers les sciences naturelles et humaines, elle hésite entre médecine et archéologie, rechigne à lire des romans ou des contes, mais se régale avec des livres d’anatomie, la revue science et vie découverte, et des DVD comme l’Odyssée de l’Espèce. La seconde a une passion pour le dessin tout en se rêvant vétérinaire, et la plus jeune veut devenir boulangère. A quoi je réponds : « Si c’est ce que vous voulez, et si vous vous donnez les moyens d’y parvenir, il n’y a pas de raison que vous ne le puissiez pas. » En tout cas, je n’essaierai jamais de les inciter à devenir écrivain, ni à les pousser dans une voie plutôt que dans une autre. Tout ce que je demande, c’est qu’elles puissent devenir des adultes épanouies, sereines, et qu’elles comprennent que l’être est plus important que le paraître.


Tu animes des ateliers d'écriture, tu vas présenter le métier d'écrivain dans des écoles... je me demande où tu trouve le temps pour des activités vraiment utiles, comme jouer à des MMORPG ou lire des mangas ?

N.D. : Je lis des mangas mais je les chronique, aussi, pour la Yozone.
Le temps consacré aux mmorpg, c’est celui que d’autres passent devant la télé, ou dans les salles de sport. Je joue avec mon compagnon, quelques heures par-ci par-là, pour me détendre. Je suis une « casual gamer », pas du tout une « hardcore ». La vie réelle et le travail sont prioritaires, bien évidemment.

D’un autre côté, ce sont mes multiples activités, dont les loisirs, qui nourrissent mon esprit et se trouvent, souvent, à la source de mes récits. J’ai par exemple écrit deux textes liés aux mmorpg : « Nouveau-Né », paru dans l’anthologie (Pro)Créations, éd. Glyphe, et « War Seed », paru dans le n°73 de la revue Lunatique.

Sinon, je précise tout de même que les ateliers d’écritures ne sont pas mon activité principale. Jusqu’à présent, j’en ai animé un pour le club Présences d’Esprits, ce qui m’a occupée l’espace d’un seul week-end. D’autres ateliers auront lieu en 2008 mais je n’ai pas encore les dates précises.

En milieu scolaire, je suis effectivement plus active, surtout cette année où j’anime bénévolement deux ateliers pour les classes primaires, le jeudi après-midi, dans l’école de mon quartier.


J'ai appris, d'une source qui préfère rester anonyme, que tu as déjà été surprise en train d'écouter un album de "2 Unlimited". Peux-tu m'expliquer comment c'est arrivé, et combien de temps a duré la convalescence ?

N.D. : J’étais jeune, le titre No Limit était l’un des tubes de l’année, et ça me donnait l’énergie d’effectuer mon repassage, tâche fastidieuse entre toutes.

J’effectue toujours mon repassage en musique, mais ma play list a changé. On y trouvera essentiellement de la World Fusion (Dead can Dance, Loreena McKennitt), de la musique celtique, du rock plus ou moins hard, de la musique dite alternative, des chansons à textes… Dans mes oreilles et dans mon cœur, Guns N’Roses et Nirvana côtoient Alan Stivell, les Cranberries et Kate Bush aussi bien que certains titres de Jacques Brel ou La Petite Sorcière Malade de Julien Clerc.

Il m’arrive aussi d’écrire sous influence musicale. C’est assez récent, et cela constitue un ersatz au silence (lequel règne rarement à la maison). Par exemple, pour Aenor, j’ai écouté en boucle les six premiers morceaux de l’album Légende d’Alan Stivell. Pour Solamente, qui sera au sommaire des Contes Myalgiques II, j’ai écouté en boucle deux chansons de Sinead O’Connor (Feel so different, et I am stretched on your grave) ainsi que Don’t feer the reaper, par the Mutton Birds, et L’Aulne et la Mort, par Collection d’Arnell Andréa. Quant à Vale Frater, il a été écrit sous l’influence du morceau éponyme tiré de Flamma Flamma : le Requiem du Feu de Nicolas Lens.


En 2002, tu as participé au collectif Auteur Sans Fascisme, pour lequel tu as écris Le Pavé, un texte que tu définis comme "short story/conte", ce qui m'a beaucoup amusé. Tu indiques sur ton site Internet que tu n'es pas politisée, mais une humaniste. J'aimerai savoir quel est le sens de ce terme pour toi, et quelle est l'influence de ce caractère humaniste dans tes écrits ?

N.D. : Je ne m’intéresse pas à la politique politicienne. Les partis, le poids des consignes et de la hiérarchie, les luttes d’influence et de pouvoir… j’abhorre tout ceci. Je n’ai pas participé à l’ASF pour suivre un mot d’ordre, mais parce que je me sentais concernée en tant qu’être humain par ce qui se passait, à ce moment-là, dans mon pays.

Être humaniste, pour moi, c’est se battre pour que les êtres humains conservent leur dignité et ne versent plus dans la monstruosité criminelle qui les tente trop souvent. Cela suppose donc, pour moi, le respect des autres êtres humains, quels qu’ils soient, mais aussi de tout notre écosystème. L’exploitation égoïste, la compétition à outrance, les excès, les préjugés xénophobes, l’oppression, l’ultra-matérialisme plaçant la productivité au sommet des valeurs, l’appétit de puissance et la course à l’argent sont les travers que je dénonce au fil de mes textes. Je revendique le droit à la contemplation et à la différence. Et je rêve d’un monde où liberté, égalité et fraternité ne seraient pas de vains mots gravés sur les frontons de nos édifices publics. Il faudrait qu’ils le soient dans le cœur de chacun, et surtout de nos élites !


Tu as un blog, une page MySpace, un site pour ta maison d'édition, et un forum associé. Tu sembles être un auteur particulièrement présent sur Internet, alors que d'autres écrivains ignorent complètement ce média. Pourquoi un tel investissement ?

N.D. : Cela a commencé lorsque je vivais dans le sud-est de la France : une région sinistrée en matière de SFFF. Je l’avais quittée en 1986, pour monter à Paris finir mes études, et j’y suis retournée début 1997, suite à un licenciement. Je m’étais installée à la montagne, dans un tout petit village où j’espérais trouver le calme nécessaire à l’écriture de mes romans. Seulement je suis tombée enceinte presque tout de suite et, comme j’ai dû être hospitalisée plusieurs fois durant la grossesse, j’ai dû redescendre en bord de mer. Ma maladie s’est déclarée et j’ai découvert avec tristesse que je ne tolérais plus bien l’altitude. Durant les années qui ont suivi, la fibromyalgie plus le fait d’être mère de jeunes enfants m’ont quelque peu confinée à la maison. Je conservais cependant le besoin de contacts… et internet s’est vite révélé plus pratique que le téléphone. Je m’y suis vraiment mise en 2000, d’abord en fréquentant une liste dédiée, puis en créant mon premier site d’auteur. Grâce au net, j’ai rencontré des gens passionnants qui sont devenus des amis intimes. Cela m’a également permis de suivre les appels à textes et de m’impliquer peu à peu dans le fandom de SFFF francophone.

Mais il n’y a pas que ça. Comme je le disais tantôt, les éditeurs indépendants qui me publient n’ont pas les moyens de faire beaucoup de publicité ni de diffuser à vaste échelle. La présence sur le net permet de pallier un peu l’absence en grande surface. Les gens ont peur de l’inconnu. Pouvoir en apprendre plus grâce à un site de référence, ça les rassure, mine de rien. Le site d’auteur et la page MySpace ont surtout une vocation informative. Le forum, c’est un espace de rencontre et de communication, né de l’époque où je ne pouvais pas me rendre dans les salons et festivals. Le blog, c’est un espace de création et d’épanchement, pour des écrits qui ne pourraient pas être publiés ailleurs car ils ne racontent pas d’histoire, sinon celle de mes états d’âme. Quant au site de la maison d’édition, il sert de catalogue et de boutique en ligne.


Un des objectifs de mon blog est de faire connaître des auteurs de talent peu médiatisés. Aurais-tu quelques noms à conseiller à tes lecteurs ?

N.D. : Lisez Fabrice Anfosso. Lisez Jean Millemann. Lisez Pierre-Alexandre Sicart. Lisez Jess Kaan. Lisez Li-Cam. Globalement, lisez les auteurs francophones publiés par les petits éditeurs indépendants : aucun n’est suffisamment connu, aucun n’est suffisamment médiatisé, pourtant ce qu’ils écrivent vaut vraiment le détour, mille fois plus que les clones anglophones de Tolkien, dont nous sommes pourtant submergés.


Quelle question aurais-tu aimé que je te pose, si j'étais un bon interviewer ? Qu'aurais-tu répondu ?

N.D. : Sans vouloir te passer de pommade, je trouve tes questions vraiment intéressantes et j’espère que mes réponses auront été à la hauteur de tes attentes et de celles des lecteurs de ton blog. Mais pour conclure avec un brin d’humour, j’aurais aimé que tu me demandes si j’aimais les chiens… et je t’aurais répondu : « je préfère les chats ». ;op


Un dernier mot pour tes lecteurs ?

N.D. : N’hésitez pas à m’écrire si vous avez envie de me poser des questions au sujet de mes textes, ou simplement me faire part de votre ressenti ! Via le forum argemmios, ou par mail privé, je vous répondrai toujours avec grand plaisir !


Encore une fois, merci Nathalie d'avoir accepté mon invitation, et bonne chance pour la suite de tes activités ;-)

Tainaron. Postia toisesta kaupungista, de Leena Krohn

dimanche 7 octobre 2007

Tradution anglaise :
Tainaron. Mail from another city.


Pas de tradution française.

Tainaron est un court roman épistolaire finlandais, qui nous emmène dans la cité fictive éponyme, une ville habitée par une population insectoïde et par une flore exhubérante. Au fil de plusieurs dizaines de lettres envoyées par la protagoniste / narratrice (humaine), nous découvrons avec elle cette ville aux coutumes uniques, si étranges et logiques à la fois.

En tant que ville, Tainaron est difficile à décrire et impossible à cartographier, tant ses frontières, constructions et habitants changent perpetuellement. C'est une ville qui vie au rythme des saisons et des bouleversements biologiques qu'elles produisent chez les insectes qui la peuple.

En tant qu'oeuvre, Tainaron est un livre qui parle des cycles de la vie et de la mort, de la stabilité et du changement et de la recherche par chaque être de sa place dans le monde.

C'est une oeuvre qui me rappelle un peu La Cité des Saints et des Fous. Les deux livres ont pour personnage principal une ville, et la développe en suivant les vies de ses citoyens. Sur la forme, Tainaron est plus intimiste, présentant moins de personnages dans un style plus simple, mais très agréable à lire.

Un livre superbe, qui a pour seul défaut sa principal qualité : c'est vraiment très court, d'autant qu'il y avait matière à développer.

Note : La traduction anglaise étant vendue à un prix élevé (20-25 €) je vous conseille de commander auprès de Jeff VanderMeer (tiens donc !) qui dispose d'un petit stock vendu à moitié prix.