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The Other Wind, d'Ursula K. Le Guin

lundi 19 novembre 2007

Traduction française : Le vent d'ailleurs.

The Other Wind est le sixième volume et la conclusion de la saga Earthsea (Terremer) entamée plusieurs décennies plus tôt.

J'avais été très déçu du recueil de nouvelles (Tales From Earthsea) qui le précédait chronologiquement, et si The Other Wind remonte d'un cran le niveau, ce n'est pas suffisant pour faire oublier le déclin d'un cycle qui restera parmi mes favoris en Fantasy, tout en laissant un goût amer : la petite Ursula aurait pu faire bien mieux.

Si The Other Wind est globalement du même niveau que Tehanu, que j'avais apprécié, il perd de son impact par un découpage hasardeux en plusieurs parties bien distinctes (presque des novellas), ce qui casse le rythme et empêche d'obtenir un final plus "épique". Certes, ce n'était probablement pas l'intention de l'auteur de produire un roman d'action, mais plutôt de méditer sur son univers et de livrer quelques réponses à des questions restées jusque là en suspens. Ceci dit, j'ai tout de même du mal à comprendre pourquoi Le Guin n'essaye pas de proposer un crescendo vers une conclusion qui ferait figure de réel aboutissement pour la série.

Globalement, le gros problème des trois derniers volumes vient du fait qu'ils ont à chaque fois été pensés indépendamment, alors qu'ils auraient largement gagnés à faire parti d'un arc d'histoires interconnectées, comme l'étaient les trois volumes originels.

Un autre problème est l'absence de personnage central au récit, qui permettrait de nous donner un repère dans l'univers, et une vrai continuité dans l'histoire. J'ai beaucoup aimé l'effacement progressif de Ged à partir de Tehanu. C'est extrêmement rare de voir un auteur capable de lâcher son personnage fétiche lorsque celui-ci à terminé son rôle. Mais, j'aurai aimé que Tenar ou Tehanu reprenne le flambeau, et ce n'est jamais vraiment arrivé, l'auteur semblant tiraillée entre ses principaux personnages. The Other Wind a le mérite d'explorer un peu plus la psychologie de Tehanu et (surtout) de Lebanen, qui en avait bien besoin. Mais c'est bien peu et je reste sur ma faim.

Malgré ces critiques, j'estime que les quatre premiers volumes de cette série en font une incontournable du genre Fantasy. De part son ambiance particulière tout d'abord, et également grâce au talent de conteuse d'Ursula Le Guin, qui nous propose un cycle de Fantasy plus profond et plus ambitieux dans sa réflexion que la quasi totalité de ses concurrents. Dommage que la fin soit un peu un gâchis.

The Portrait of Mrs Charbuque, de Jeffrey Ford

mardi 13 novembre 2007

Traduction française : Le Portrait de Mrs Charbuque.

Jeffrey Ford est un de ces rares auteurs capables d'écrire dans tous les genres littéraires et aussi de les mélanger avec succès. Quelque soit le sujet choisit, il semble incapable d'écrire un mauvais livre. Alors quand il décide de nous raconter l'histoire d'un peintre de 1893, Piambo, engagé par une femme mystérieuse pour réaliser son portrait (avec l'interdiction absolue de voir son visage)...je me dis que oui, après tout, pourquoi pas.

Je ne vais pas m'étendre sur le fait que ce livre soit une réussite, mais plutôt sur la façon dont l'auteur parvient à nous intéresser avec un postulat qui rappelle tout de même un peu Le Portrait de Dorian Grey (Oscar Wilde est d'ailleurs cité en clin d'oeil dans le livre, aux côtés d'autres personnalitées de l'époque).

Il y a en fait trois fils conducteurs dans le livre : l'enquête de Piambo pour réaliser le portrait et découvrir qui est réellement son commanditaire ; l'auto-biographie de Mrs Charbuque, dont le passé et l'évolution sont particulièrement intéressants ; le mystère autour d'une maladie infectieuse effrayante qui semble se répandre dans New York sans origine apparente.

Evidemment, les trois fils narratifs sont étroitement liés, et c'est réellement leur association qui donne tout son intérêt à ce roman.

Comme dans The Girl in The Glass, Ford se base sur un contexte historique et y ajoute une histoire policière matinée de fantastique. Et comme dans The Girl in The Glass, la toile tissée se dénoue finalement de manière un peu facile, pas totalement satisfaisante. L'auteur laisse tout de même le doute sur l'interprétation fantastique ou rationnelle de l'histoire, ce qui me plait assez.

Ce n'est probablement pas le meilleur Jeffrey Ford, mais c'est clairement un bon représentant des oeuvres multigenres.

Neverwhere, de Neil Gaiman

vendredi 9 novembre 2007

Traduction française : Neverwhere.

"Une rue de Londres, un soir comme un autre. La jeune fille gît devant lui sur le trottoir, face contre terre, l'épaule ensanglantée. Richard la prend dans ses bras, elle est d'une légèreté surprenante. Et quand elle le supplie de ne pas l'emmener à l'hôpital, il a le sentiment de ne plus être maître de sa volonté. Dès le lendemain, elle disparaît et, pour Richard, tout dérape : sa fiancée le quitte, on ne le connaît plus au bureau, certains, même, ne le voient plus... Le monde à l'envers, en quelques sorte. Car il semblerait que Londres ait un envers, la "ville d'En Bas", cité souterraine où vit un peuple d'une autre époque, invisible aux yeux du commun des mortels. Un peuple organisé, hiérarchisé, et à la tête duquel les rats jouent un rôle prépondérant. Plus rien ne le retenant "là haut", Richard rejoint les profondeurs. Fable fantastique ou roman de fantasy contemporain, Neverwhere est inclassable, surprenant, original. Plein d'idées, de rebondissements, de clins d'oeil référentiels et de personnages iconoclastes."

Neil Gaiman est un de ces auteurs dont les fans se trouvent à la fois chez les fanatiques de SFFF et chez les amateurs de littérature classique. Il est particulièrement doué pour créer des récits fantastiques basés sur notre monde, sans que la transition entre réel et irréel ne choque le lecteur.

Neverwhere est une de ses oeuvres les plus connues et appréciées. C'est un très bon roman de fantasy/fantastique, avec des personnages attachants (que ce soit Door, le déroutant Marquis, ou surtout le duo de tueurs à gage aussi drôle que terrifiant), des dialogues bien sentis, et une trame qui reste finalement secondaire, une excuse pour nous faire découvrir les richesses du Londres d'En bas.

En fait, Neverwhere pêche surtout par une structure trop proche de son modèle (série TV) qui cause un manque de liant entre les scènes (beaucoup d'ellipses pas forcément judicieuses), et aurait gagné à être nettement plus long, pour exploiter tout le potentiel promis par son univers très intéressant, et l'imagination débordante de Gaiman.

On ne fait finalement que passer dans ce Londres parallèle, et je reste un peu sur ma faim en pensant aux nombreuses aventures que Gaiman aurait pu partager avec nous.

Qui sait, peut-être y retournerons-nous un jour ?

Entretien avec... Nathalie Dau

mardi 30 octobre 2007
Il y a quelques semaines, j'avais présenté sur ce blog une oeuvre du nom de Contes Myalgiques, un recueil de contes de la très prometteuse Nathalie Dau.

Aujourd'hui, Nathalie me fait le plaisir de satisfaire à ma curiosité maladive en répondant à mes nombreuses questions.

Cette discussion se veut un complément aux interviews disponibles sur son site Internet, que je vous encourage à découvrir si vous souhaitez en apprendre un peu plus sur son univers.




Parlons tout d'abord de Contes Myalgiques, ta dernière publication. Pourquoi avoir choisi ce titre assez étrange pour ton premier recueil ?

N.D. : En mars 1998, les médecins m’ont informée que mes douleurs et ma fatigue chroniques étaient causés par une maladie, alors peu connue : la fibromyalgie. Je suis donc fibromyalgique. Mais comme je suis plutôt douée en matière de jeux de mots à deux centimes d’euros, j’ai fini par décréter que j’avais, en réalité, la fibre magique. Ma façon de lutter, de refuser de subir passivement.

J’ai essayé divers traitements mais aucun n’a fonctionné. Il faut dire qu’au niveau des pathologies associées, j’ai tiré le gros lot : une intolérance aux médicaments. Cependant, lorsque j’écris, j’atteins un état de concentration assez particulier, un peu comme si je quittais mon corps. J’en oublie parfois de boire et de manger – ce que je paie ensuite, le moment de grâce passé. J’en oublie aussi, temporairement, la sensation de la douleur. Et plus tard, lorsque le fruit de ce travail rencontre un accueil favorable, la joie que j’en retire augmente naturellement mon taux d’endorphine, ce qui soulage aussi ma souffrance quotidienne.

A force de vivre avec cette souffrance, je l’ai quelque peu apprivoisée. Je l’observe, je l’étudie. Logiquement, elle est présente dans mon écriture. Tous les textes du recueil parlent de souffrance, physique ou morale (à ce niveau-là aussi, la vie m’a donné matière à parler d’expérience). Parfois, c’est elle qui l’emporte, parfois, elle est contrainte de rendre les armes. Et toujours, elle est transcendée par l’émerveillement ou l’effroi qu’elle suscite. La myalgie donne naissance à la magie, noire ou blanche. Telle est l’explication du titre.



Dans Contes Myalgiques, tes histoires mélangent les univers fantasy, fantastiques ou féeriques, avec un soupçon d'épouvante. As-tu une fascination particulière pour ce type d'univers ? As-tu toi-même des ancêtres parmi le petit peuple ?

N.D. : Jeune adolescente, j’écrivais de la fantasy alors que j’ignorais que ce genre littéraire existait. J’essayais d’ailleurs de brider ma plume, car je tentais de construire, en ce temps-là, un roman historique des plus sérieux. Mais j’avais sans doute trop baigné dans les ouvrages mythologiques et les contes de fées. Et puis, vers dix-huit ou dix-neuf ans, j’ai découvert Tolkien, et cela a représenté, pour moi, une véritable libération.

Des ancêtres parmi le petit peuple ? Pas à ma connaissance. Même s’il est arrivé, à plusieurs reprises, que des inconnus m’abordent dans la rue, juste pour me dire qu’en me voyant, ils avaient eu le sentiment de contempler une fée… et ils s’en repartaient aussitôt, parce que ce n’était rien de plus qu’une impression fugace et le besoin de l’exprimer avant de reprendre la route. Il est aussi arrivé qu’on me traite de sorcière, à cause de ces intuitions que j’ai parfois et qui s’avèrent. Mais je ne contrôle rien du tout, et souvent il ne se passe rien pendant de longues périodes.

Pour en revenir au mélange d’univers présent dans mes histoires, je dirais que c’est la vie qui l’impose. Je ne vois pas le monde de façon manichéenne et je ne crois pas à l’utopie du bonheur (d’autant moins lorsque les média nous le présentent comme dépendant de la possession matérielle). J’ai plutôt tendance à considérer que les épreuves et les chagrins sont ce qui fait notre vraie force, si nous savons les surmonter et nous servir d’eux comme autant de marches d’escalier, afin de progresser. Vers quoi ? Vers une meilleure compréhension de soi-même et de l’autre, du monde auquel nous participons. Mieux comprendre pour moins nuire et mieux s’harmoniser. Tenter de dominer cette peur dévorante qui nous hante du berceau à la tombe. Tenter, oui. Pas facile, en ce qui me concerne, car je suis aussi une angoissée chronique. Mais aborder le mal de façon positive, refuser de se poser en victime, accepter ce qu’on est au lieu de nourrir des regrets, et faire avec… ça aide énormément.


Le nom complet de ton recueil est « Contes Myalgiques I : Les Terres qui rêvent », je ne prends donc pas trop de risques en imaginant qu'une ou plusieurs suites sont prévues. Peux-tu trahir quelques secrets d'état et en parler brièvement ?

N.D. : Un second volume est prévu, en effet. Cinq textes sont achevés et retenus par l’éditeur, je travaille à compléter le sommaire. Ce second volume devrait être plus sombre que le premier (qui explorait surtout la dimension « contes », tandis que le suivant explorera la dimension « souffrance ») et comporter davantage d’histoires se situant à notre époque. Je sais très exactement quoi écrire, et plusieurs de mes textes sont bien avancés. La parution de ce second volume est prévue pour fin 2008.


Contes Myalgiques est ton premier recueil de nouvelles, mais tu as aussi écrit un roman (Bleu Puzzle) sous le nom de Nathalie Letailleur. Quel est ton format d'expression préféré, nouvelle ou roman ?

N.D. : Je n’ai pas de préférence, je me sens à l’aise dans les deux exercices. J’ai d’ailleurs un second roman, Les Débris du Chaudron, qui doit bientôt paraître, aux éditions Argemmios : il s’agit d’une version révisée, enrichie, et illustrée, d’une novella que j’avais précédemment publiée dans l’anthologie Royaumes, éditions Fleuve Noir.

A propos de romans, je travaille depuis 20 ans maintenant à un vaste cycle de fantasy, qui me tient particulièrement à cœur, et se déroule sur un monde secondaire où de nombreux éléments, notamment le rapport à la mort, diffèrent de ce que nous connaissons. Lorsque j’y travaille, je m’immerge totalement dedans. Or, quand on a des enfants ainsi que d’autres activités professionnelles, une telle immersion n’est pas possible sur le long terme.

Je pratique également l’immersion pour les nouvelles, mais cela me pose moins de difficultés au quotidien, d’abord parce que ces textes-là restent sur Terre, donc me sont moins dépaysants, ensuite parce que la forme courte ne requiert pas autant de temps que la forme romanesque.



Quelles sont les différences entre la Nathalie Letailleur de 1991 et la Nathalie Dau de 2007 ? Si vous pouviez-vous rencontrer, quels conseils donnerais-tu à ta cadette ?


N.D. : Ce sont davantage des différences d’ordre privé que d’ordre professionnel ou artistique. J’ai bien évidemment acquis davantage d’expérience et de maturité. Mon vécu s’est enrichi. Parfois, lorsque je regarde en arrière, j’ai le sentiment qu’il s’agit de deux personnes différentes. Entre 1991 et 1992, outre la publication de Bleu Puzzle, j’ai vécu divers évènements traumatisants qui ont bouleversé ma vie et ma façon d’envisager mon avenir. On pourrait penser que la Nathalie d’aujourd’hui révèlerait à sa cadette le moyen d’éviter ces événements, mais, en fait, je pense qu’ils étaient nécessaires. Sans eux, je ne serais pas devenue celle que je suis. Sans eux, je n’écrirais probablement pas sur les mêmes sujets, ni de la même manière. Je suis morte jadis, pour renaître à autre chose. Les regrets ne servent à rien, accuser la fatalité ne sert à rien. Il est bien plus constructif de faire avec, d’assumer, et de continuer à grimper les marches de cet escalier d’épreuves qu’est l’existence.

Alors je n’aurais aucun conseil à lui donner. De toute façon, les jeunes n’écoutent jamais la sagesse des anciens ;op


Ton style d’écriture me parait assez unique dans le paysage fantastique français. J'aurais aimé savoir quels sont les écrivains que tu admires, tes influences ?

N.D. : Je suis loin d’être la seule « styliste » parmi les auteurs actuels ! Mélanie Fazi, Pierre-Alexandre Sicart, Charlotte Bousquet, Fabrice Anfosso, par exemple, ont une écriture ciselée, poétique, et une « respiration », avec lesquelles je me sens souvent en harmonie. Il m’est déjà arrivé de les lire et de penser : « Si j’avais dû écrire ceci, je l’aurais probablement fait de la même façon ». Les nouvelles de Léa Silhol m’ont touchée, aussi. Quant à Jean Millemann et Delphine Imbert, ils m’ont fait verser d’abondantes larmes !

Il existe tout un tas d’auteurs que j’admire mais que je connais encore trop peu au travers de leurs œuvres, par exemple Joëlle Wintrebert ou Francis Berthelot, mais ce sont des lacunes que je comble peu à peu, au fil de mes acquisitions et de mes lectures.

Parmi les francophones, j’apprécie aussi beaucoup des auteurs comme Philippe Ward et Sylvie Miller, Jess Kaan, Emmanuelle Maia, Sire Cédric, Céline Guillaume, Xavier Mauméjean, Karim Berrouka, Li-Cam… Pfff, il y en a trop, j’en oublie plein, surtout ne m’en veuillez pas, les amis !

Pour les anglo-saxons, j’ai vraiment accroché au Trône de Fer, de George Martin, et à l’Assassin Royal de Robin Hobb. Je reste fidèle à Marion Zimmer Bradley pour Ténébreuse et Les Dames du Lac, à Tanith Lee pour Le Dit de la Terre Plate, et à Ursula Le Guin pour Terremer.

Il y a aussi un roman français qui m’a bouleversée et dont je ne suis toujours pas remise : Parleur, d’Ayerdhal.

Mais ceux qui m’ont vraiment influencée sont Tolkien, grâce auquel j’ai découvert la Fantasy, Jean Giono, Alphonse Daudet et Marcel Pagnol, qui m’ont enseigné la tendresse de l’auteur pour ses personnages, ainsi que l’art de regarder le quotidien et la simplicité avec un œil émerveillé. Hoffmann et ses contes fantastiques. Andersen, Perrault et les frères Grimm. Saint Exupéry et Kipling. Les mythologies et folklores du monde. Et puis je puise beaucoup mon inspiration dans les travaux d’auteurs tels Claude Lecouteux, Georges Dumézil, Jean Markale, Jacques Bril…


As-tu d'autres projets littéraires dans un futur proche ? Le Livre de l’Enigme, La Geste des Robes Bleues, mais qu'est-ce donc ?

N.D. : Comme expliqué plus haut, j’ai un second roman, Les Débris du Chaudron, illustré par Magali Villeneuve, qui doit sortir entre Halloween et Noël. J’ai également écrit un long article de 25000 signes sur les Lancedragon, pour le dossier Weis et Hickman du numéro 25 de la revue Faeries. Je participe, par le biais de deux articles, au Dictionnaire Encyclopédique des Littératures de l’Imaginaire, à paraître en 2009 aux éditions Atalante. Je suis au sommaire de plusieurs anthologies dont la parution est programmée pour 2008 (De Brocéliande en Avalon, dirigée par Lucie Chenu, aux éditions Terre de Brume, pour le printemps, et Le Crépuscule des Loups, dirigée par Charlotte Bousquet, anthologie pour laquelle nous attendons encore confirmation). Je finalise, avec Alexandre Dainche, un conte illustré pour enfants (niveau CE2-CM1). Et je travaille, avec Krystal Camprubi, à un ouvrage un peu particulier (dont je ne peux pas dire grand-chose en raison de la clause de confidentialité figurant sur mon contrat) prévu pour 2008. Sans oublier le second volume des Contes Myalgiques, dont nous avons déjà parlé.

Le Livre de l’Enigme et La Geste des Robes Bleues représentent probablement mon projet le plus personnel. Il s’agit d’un cycle de fantasy, en deux époques. J’y travaille depuis juillet 1987, mais pas de façon continue en raison de nombreux impératifs. Et puis j’ai été amenée à effectuer des remaniements majeurs au niveau de la construction, sur les conseils de Marion Mazauric. Le premier volume est en bonne voie d’achèvement, mais nécessitera de ma part que je me « pose », c’est-à-dire que je cesse de mener plusieurs projets de front, car ce cycle exige de moi une immersion totale, parfois incompatible avec mon quotidien, ainsi que je l’ai déjà expliqué.


En plus d'écrivain, tu es également anthologiste (L'Esprit des Bardes). Que t'apporte ce travail sur le plan artistique ? Utilises-tu ton expérience dans ce domaine pour progresser dans tes propres écrits ?


N.D. : La direction d’anthologie est très enrichissante d’un point de vue personnel. J’apprécie les échanges constructifs. Quand on n’est pas soi-même l’auteur du texte, on bénéficie de l’indispensable recul, et l’on est plus à même de déceler les éventuelles ellipses ou incohérences narratives. Pourtant, je ne me serais pas lancée dans cette aventure si je n’avais pas été capable, au préalable, de regarder mes propres écrits d’un œil très critique. En tant qu’écrivain, je me considère à la fois comme une artiste et une artisane, et je n’hésiterai jamais à remettre cent fois mon ouvrage sur le métier, dans l’intérêt du texte. Cela ne m’empêche pas de contester, parfois, les corrections qu’on me suggère, surtout si ces corrections se situent au niveau du vocabulaire ou du style (j’ai ma voix propre, mes mélodies internes, et je me battrai toujours pour en préserver l’intégrité). En revanche, je reste toujours à l’écoute quand il s’agit de rendre le texte plus compréhensible pour le lecteur, et c’est dans cet esprit que je dirige mes auteurs lorsque j’enfile ma casquette d’anthologiste. Je crois que c’est un travail qui implique beaucoup de respect : celui de l’auteur, celui de l’histoire narrée, celui du futur lecteur. J’ai toujours ces notions à l’esprit, lorsque j’écris comme lorsque je lis.


Que penses-tu du milieu de l'édition en France, plus précisément dans le domaine de la littérature de genre SFFF ? Il n'y a jamais eu autant de nouveaux auteurs publiés chaque année, ce qui est évidemment une bonne chose, mais c'est un phénomène qui rends très difficile de sortir de l'anonymat et de vivre du métier d’écrivain.

N.D. : Sortir de l’anonymat et vivre du métier d’écrivain est difficile, en France, quel que soit le genre littéraire. C’est effectivement d’autant plus difficile pour les auteurs de SFFF dans la mesure où les littératures de l’imaginaire sont marginalisées, dans notre pays. Pas tellement à cause du lectorat qu’à cause des médias et des leaders d’opinion. Diverses études ont été réalisées sur le sujet par des professionnels de la question, on en discute à longueur de temps sur les listes dédiées, les forums d’éditeurs, il m’est donc impossible de répondre de façon concise à ce qui mériterait une thèse.

Pour vivre de sa plume, une seule façon : être rémunéré pour ses interventions (ateliers d’écriture, rencontres avec le lectorat, participation à des débats…) et vendre suffisamment d’exemplaires de ses titres. Or l’édition de SFFF ouverte aux auteurs français est essentiellement constituée de petits éditeurs indépendants qui n’ont pas les moyens de faire du battage publicitaire à grande échelle, d’assumer les frais de déplacement et représentation de leurs auteurs, ni de payer les lourds tickets d’entrée exigés par la grande distribution. Du coup, les titres ont du mal à quitter le circuit de la librairie spécialisée, et vont toucher quasi exclusivement les passionnés du genre, les « purs et durs », qui sont malheureusement trop peu nombreux pour générer à terme, en matière de droits d’auteur, ne serait-ce que le minimum exigé par l’Agessa pour nous ouvrir droit aux prestations sociales (pour lesquelles, cependant, chaque auteur cotise sitôt qu’il publie un texte rémunéré).
Je ne pense donc pas que ce soit l’arrivée des nouveaux auteurs qui soit pénalisante pour sortir de l’anonymat et vivre de sa plume. D’autant que trop de voix se sont tues, ces derniers temps, les annonces de décès ont été nombreuses. De toute façon, il en va de l’écriture comme de tout : la vieille garde se sclérose si elle n’accepte pas l’arrivée du sang neuf.


Nathalie Dau, Catherine Dufour, Léa Silhol, Mélanie Fazi, Charlotte Bousquet, M.H. Essling. C’est un petit extrait du palmarès du prix Merlin. Mais où sont les hommes ?!

N.D. : Jess Kaan (Merlin nouvelle 2003), Laurent Whale (Merlin nouvelle 2005), Philippe Ward (Merlin nouvelle 2004 pour son texte co-écrit avec Sylvie Miller)… et Sire Cédric cette année, en catégorie roman.

Il est vrai que, globalement, on trouve davantage d’hommes au palmarès du prix Rosny aîné.

Je crois pourtant qu’on ne peut pas en conclure grand-chose, et surtout pas que les femmes seraient davantage auteurs de fantasy/fantastique, tandis que les hommes seraient davantage auteurs de SF. Pour preuve : Catherine Dufour a été récompensée dans les deux catégories.


J'ai appris que tu étais également parolière. Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette activité ?

N.D. : Un conte de fées qui ne se termine pas très bien, pour faire simple. J’avais envoyé un de mes poèmes à la mère du chanteur Roland Karl (je l’avais rencontrée sur un forum et nous avions sympathisé). Le texte lui a plu, elle l’a transmis à son fils qui a aimé aussi, et le poème est devenu les couplets de la chanson Tu Vis ! tandis qu’Eddy Jouglet écrivait le refrain et composait la musique.

La chanson a été déposée à la Sacem, je suis bien créditée comme co-parolière. Roland a créé Tu Vis ! sur scène à Châlons-en-Champagne, le 27 août 2005, en ma présence. Depuis, il l’a interprétée à diverses reprises (au Hard Rock Café de Paris, lors de ses tournées d’été, lors de ses concerts en région rémoise…)

Mais il faut avoir écrit cinq chansons, dont une justifiant d’une exploitation commerciale, pour pouvoir devenir adhérent de la Sacem. J’ai écrit d’autres paroles de chansons, mais je n’ai pas en main les papiers exigés par le dossier d’adhésion. La Sacem sait très exactement quand ma chanson est jouée, puisque les organisateurs de spectacles et les artistes sur scène sont tenus de déclarer chaque titre interprété. Pourtant, administration oblige, on refuse d’effectuer un croisement des dossiers et l’on me demande de fournir ces fameux justificatifs que je n’ai jamais possédés (et ce n’est pourtant pas faute de les avoir demandés à Roland).

Tout se serait trouvé simplifié si la chanson avait été enregistrée sur CD et vendue, mais l’album de Roland est constamment repoussé, et ma chanson n’est même pas certaine d’y figurer. Donc la seule exploitation commerciale reste les concerts.
Ainsi, les quelques droits qui me sont dûs demeurent bloqués à la Sacem. Je doute parvenir à les récupérer un jour. J’aurais bien tenté de proposer mes autres chansons à des maisons de disques, mais c’est un milieu très fermé, je ne sais pas à qui m’adresser, et puis l’on m’a laissé entendre que je n’avais pas les bons « pistons »… alors on dira simplement que pour l’instant, ce n’est pas ma priorité.


Par un procédé magique quelconque, tu as ramené de tes voyages trois petites lutines. A-t-on une chance de les voir emprunter le même chemin que leur maman ? Je suis sûr qu'elles montrent déjà un certain talent pour manipuler la réalité...

N.D. : Tu peux effectivement parler de magie, car avoir des enfants n’a pas été simple, pour moi. J’ai vécu plusieurs fausses couches, subi des opérations et des traitements, et mes grossesses ont été à risques (surtout la première). Mais finalement, mes filles sont là et je les adore toutes les trois, bien évidemment.

Cependant, elles sont trop jeunes pour qu’on puisse décréter quoi que ce soit au sujet de leur avenir professionnel. Elles ont de l’imagination, comme tous les enfants de leur âge, et l’expriment au travers de leurs dessins ou de leurs jeux, qui ne diffèrent en rien de ceux des autres fillettes que je croise à l’école. J’ai fait en sorte de ne pas étouffer en elles le sentiment du merveilleux, mais j’ai refusé de les influencer. J’ai toujours préféré leur donner une connaissance variée des choses, leur exposer les différents points de vue, pour qu’elles puissent se forger le leur au moyen de leur libre-arbitre.

Ainsi, ma fille aînée semble davantage portée vers les sciences naturelles et humaines, elle hésite entre médecine et archéologie, rechigne à lire des romans ou des contes, mais se régale avec des livres d’anatomie, la revue science et vie découverte, et des DVD comme l’Odyssée de l’Espèce. La seconde a une passion pour le dessin tout en se rêvant vétérinaire, et la plus jeune veut devenir boulangère. A quoi je réponds : « Si c’est ce que vous voulez, et si vous vous donnez les moyens d’y parvenir, il n’y a pas de raison que vous ne le puissiez pas. » En tout cas, je n’essaierai jamais de les inciter à devenir écrivain, ni à les pousser dans une voie plutôt que dans une autre. Tout ce que je demande, c’est qu’elles puissent devenir des adultes épanouies, sereines, et qu’elles comprennent que l’être est plus important que le paraître.


Tu animes des ateliers d'écriture, tu vas présenter le métier d'écrivain dans des écoles... je me demande où tu trouve le temps pour des activités vraiment utiles, comme jouer à des MMORPG ou lire des mangas ?

N.D. : Je lis des mangas mais je les chronique, aussi, pour la Yozone.
Le temps consacré aux mmorpg, c’est celui que d’autres passent devant la télé, ou dans les salles de sport. Je joue avec mon compagnon, quelques heures par-ci par-là, pour me détendre. Je suis une « casual gamer », pas du tout une « hardcore ». La vie réelle et le travail sont prioritaires, bien évidemment.

D’un autre côté, ce sont mes multiples activités, dont les loisirs, qui nourrissent mon esprit et se trouvent, souvent, à la source de mes récits. J’ai par exemple écrit deux textes liés aux mmorpg : « Nouveau-Né », paru dans l’anthologie (Pro)Créations, éd. Glyphe, et « War Seed », paru dans le n°73 de la revue Lunatique.

Sinon, je précise tout de même que les ateliers d’écritures ne sont pas mon activité principale. Jusqu’à présent, j’en ai animé un pour le club Présences d’Esprits, ce qui m’a occupée l’espace d’un seul week-end. D’autres ateliers auront lieu en 2008 mais je n’ai pas encore les dates précises.

En milieu scolaire, je suis effectivement plus active, surtout cette année où j’anime bénévolement deux ateliers pour les classes primaires, le jeudi après-midi, dans l’école de mon quartier.


J'ai appris, d'une source qui préfère rester anonyme, que tu as déjà été surprise en train d'écouter un album de "2 Unlimited". Peux-tu m'expliquer comment c'est arrivé, et combien de temps a duré la convalescence ?

N.D. : J’étais jeune, le titre No Limit était l’un des tubes de l’année, et ça me donnait l’énergie d’effectuer mon repassage, tâche fastidieuse entre toutes.

J’effectue toujours mon repassage en musique, mais ma play list a changé. On y trouvera essentiellement de la World Fusion (Dead can Dance, Loreena McKennitt), de la musique celtique, du rock plus ou moins hard, de la musique dite alternative, des chansons à textes… Dans mes oreilles et dans mon cœur, Guns N’Roses et Nirvana côtoient Alan Stivell, les Cranberries et Kate Bush aussi bien que certains titres de Jacques Brel ou La Petite Sorcière Malade de Julien Clerc.

Il m’arrive aussi d’écrire sous influence musicale. C’est assez récent, et cela constitue un ersatz au silence (lequel règne rarement à la maison). Par exemple, pour Aenor, j’ai écouté en boucle les six premiers morceaux de l’album Légende d’Alan Stivell. Pour Solamente, qui sera au sommaire des Contes Myalgiques II, j’ai écouté en boucle deux chansons de Sinead O’Connor (Feel so different, et I am stretched on your grave) ainsi que Don’t feer the reaper, par the Mutton Birds, et L’Aulne et la Mort, par Collection d’Arnell Andréa. Quant à Vale Frater, il a été écrit sous l’influence du morceau éponyme tiré de Flamma Flamma : le Requiem du Feu de Nicolas Lens.


En 2002, tu as participé au collectif Auteur Sans Fascisme, pour lequel tu as écris Le Pavé, un texte que tu définis comme "short story/conte", ce qui m'a beaucoup amusé. Tu indiques sur ton site Internet que tu n'es pas politisée, mais une humaniste. J'aimerai savoir quel est le sens de ce terme pour toi, et quelle est l'influence de ce caractère humaniste dans tes écrits ?

N.D. : Je ne m’intéresse pas à la politique politicienne. Les partis, le poids des consignes et de la hiérarchie, les luttes d’influence et de pouvoir… j’abhorre tout ceci. Je n’ai pas participé à l’ASF pour suivre un mot d’ordre, mais parce que je me sentais concernée en tant qu’être humain par ce qui se passait, à ce moment-là, dans mon pays.

Être humaniste, pour moi, c’est se battre pour que les êtres humains conservent leur dignité et ne versent plus dans la monstruosité criminelle qui les tente trop souvent. Cela suppose donc, pour moi, le respect des autres êtres humains, quels qu’ils soient, mais aussi de tout notre écosystème. L’exploitation égoïste, la compétition à outrance, les excès, les préjugés xénophobes, l’oppression, l’ultra-matérialisme plaçant la productivité au sommet des valeurs, l’appétit de puissance et la course à l’argent sont les travers que je dénonce au fil de mes textes. Je revendique le droit à la contemplation et à la différence. Et je rêve d’un monde où liberté, égalité et fraternité ne seraient pas de vains mots gravés sur les frontons de nos édifices publics. Il faudrait qu’ils le soient dans le cœur de chacun, et surtout de nos élites !


Tu as un blog, une page MySpace, un site pour ta maison d'édition, et un forum associé. Tu sembles être un auteur particulièrement présent sur Internet, alors que d'autres écrivains ignorent complètement ce média. Pourquoi un tel investissement ?

N.D. : Cela a commencé lorsque je vivais dans le sud-est de la France : une région sinistrée en matière de SFFF. Je l’avais quittée en 1986, pour monter à Paris finir mes études, et j’y suis retournée début 1997, suite à un licenciement. Je m’étais installée à la montagne, dans un tout petit village où j’espérais trouver le calme nécessaire à l’écriture de mes romans. Seulement je suis tombée enceinte presque tout de suite et, comme j’ai dû être hospitalisée plusieurs fois durant la grossesse, j’ai dû redescendre en bord de mer. Ma maladie s’est déclarée et j’ai découvert avec tristesse que je ne tolérais plus bien l’altitude. Durant les années qui ont suivi, la fibromyalgie plus le fait d’être mère de jeunes enfants m’ont quelque peu confinée à la maison. Je conservais cependant le besoin de contacts… et internet s’est vite révélé plus pratique que le téléphone. Je m’y suis vraiment mise en 2000, d’abord en fréquentant une liste dédiée, puis en créant mon premier site d’auteur. Grâce au net, j’ai rencontré des gens passionnants qui sont devenus des amis intimes. Cela m’a également permis de suivre les appels à textes et de m’impliquer peu à peu dans le fandom de SFFF francophone.

Mais il n’y a pas que ça. Comme je le disais tantôt, les éditeurs indépendants qui me publient n’ont pas les moyens de faire beaucoup de publicité ni de diffuser à vaste échelle. La présence sur le net permet de pallier un peu l’absence en grande surface. Les gens ont peur de l’inconnu. Pouvoir en apprendre plus grâce à un site de référence, ça les rassure, mine de rien. Le site d’auteur et la page MySpace ont surtout une vocation informative. Le forum, c’est un espace de rencontre et de communication, né de l’époque où je ne pouvais pas me rendre dans les salons et festivals. Le blog, c’est un espace de création et d’épanchement, pour des écrits qui ne pourraient pas être publiés ailleurs car ils ne racontent pas d’histoire, sinon celle de mes états d’âme. Quant au site de la maison d’édition, il sert de catalogue et de boutique en ligne.


Un des objectifs de mon blog est de faire connaître des auteurs de talent peu médiatisés. Aurais-tu quelques noms à conseiller à tes lecteurs ?

N.D. : Lisez Fabrice Anfosso. Lisez Jean Millemann. Lisez Pierre-Alexandre Sicart. Lisez Jess Kaan. Lisez Li-Cam. Globalement, lisez les auteurs francophones publiés par les petits éditeurs indépendants : aucun n’est suffisamment connu, aucun n’est suffisamment médiatisé, pourtant ce qu’ils écrivent vaut vraiment le détour, mille fois plus que les clones anglophones de Tolkien, dont nous sommes pourtant submergés.


Quelle question aurais-tu aimé que je te pose, si j'étais un bon interviewer ? Qu'aurais-tu répondu ?

N.D. : Sans vouloir te passer de pommade, je trouve tes questions vraiment intéressantes et j’espère que mes réponses auront été à la hauteur de tes attentes et de celles des lecteurs de ton blog. Mais pour conclure avec un brin d’humour, j’aurais aimé que tu me demandes si j’aimais les chiens… et je t’aurais répondu : « je préfère les chats ». ;op


Un dernier mot pour tes lecteurs ?

N.D. : N’hésitez pas à m’écrire si vous avez envie de me poser des questions au sujet de mes textes, ou simplement me faire part de votre ressenti ! Via le forum argemmios, ou par mail privé, je vous répondrai toujours avec grand plaisir !


Encore une fois, merci Nathalie d'avoir accepté mon invitation, et bonne chance pour la suite de tes activités ;-)

Tainaron. Postia toisesta kaupungista, de Leena Krohn

dimanche 7 octobre 2007

Tradution anglaise :
Tainaron. Mail from another city.


Pas de tradution française.

Tainaron est un court roman épistolaire finlandais, qui nous emmène dans la cité fictive éponyme, une ville habitée par une population insectoïde et par une flore exhubérante. Au fil de plusieurs dizaines de lettres envoyées par la protagoniste / narratrice (humaine), nous découvrons avec elle cette ville aux coutumes uniques, si étranges et logiques à la fois.

En tant que ville, Tainaron est difficile à décrire et impossible à cartographier, tant ses frontières, constructions et habitants changent perpetuellement. C'est une ville qui vie au rythme des saisons et des bouleversements biologiques qu'elles produisent chez les insectes qui la peuple.

En tant qu'oeuvre, Tainaron est un livre qui parle des cycles de la vie et de la mort, de la stabilité et du changement et de la recherche par chaque être de sa place dans le monde.

C'est une oeuvre qui me rappelle un peu La Cité des Saints et des Fous. Les deux livres ont pour personnage principal une ville, et la développe en suivant les vies de ses citoyens. Sur la forme, Tainaron est plus intimiste, présentant moins de personnages dans un style plus simple, mais très agréable à lire.

Un livre superbe, qui a pour seul défaut sa principal qualité : c'est vraiment très court, d'autant qu'il y avait matière à développer.

Note : La traduction anglaise étant vendue à un prix élevé (20-25 €) je vous conseille de commander auprès de Jeff VanderMeer (tiens donc !) qui dispose d'un petit stock vendu à moitié prix.

Contes Myalgiques I : Les Terres qui rêvent, de Nathalie Dau

jeudi 27 septembre 2007


Auteur francophone.

Je dois bien l'avouer, je n'avais jamais entendu parler de Nathalie Dau avant de parcourir le site de l'éditeur Griffe d'Encre, un soir d'été pluvieux, alors que la pénombre emplissait chaque recoin de mon antre, et que quelques créatures féériques pointaient timidement le bout de leur nez coulant (eh oui).

Griffe d'Encre, étant un éditeur un peu plus malin que certains de ses confrères, présente de courts extraits de chacune de ses oeuvres sur son site, permettant aux lecteurs avides d'oeuvres de qualité de juger rapidement leur catalogue. C'est ainsi que j'ai découvert les Contes Myalgiques. Et je ne le regrette pas.

Contes Myalgiques I : Les Terres qui rêvent est un recueil de onze récits féériques et horrifiques s'inspirant de nombreuses légendes pour enchanter leur lecteur. La première chose qui saute aux yeux du lecteur sans défense est le style fluide et riche de l'auteur, nettement au dessus de la moyenne du genre. Un style riche, ce qui ne signifie pas que Nathalie Dau nous noie sous les descriptions sans fin, bien au contaire, car chacune des nouvelles est particulièrement concise. L'auteur va droit à l'essentiel, mais sans oublier de nous faire rêver.

Certaines nouvelles parmis les plus courtes (je pense par exemple à Désespérée, Bonne année ! ou Le Siestophage) auraient cependant méritées quelques pages supplémentaires, la narration paraissant parfois un peu précipitée à mon goût, ou les idées sous-exploitées. D'autres sont de petits bijoux : J'ai particulièrement apprécié Le Violon de la fée, Demain les trottoirs, Lucine...

L'auteur s'inspire de multiples folklores (russie, inde, bretagne, etc.) et les mots et expressions qui en sont issus sont expliqués en bas de page. Etrange, car c'est une pratique peu courante, mais c'est une bonne idée. Je parle d'inspiration folklorique, mais ces contes vont nettement plus loin, l'auteur apportant ses joies et peines intérieurs, ses cauchemars et ses douleurs lancinantes pour donner une couleur sang à cette tapisserie de fables. Et ce sont finalement ces apports personnels, ces entre-lignes, qui donnent à cette oeuvre sa vie et son caractère.

J'ai également apprécié la postface de Jean Milleman, déjà parce-qu'elle a la bonne idée d'être une postface (les préfaces qui racontent la moitié d'un livre...non merci) mais également parce-qu'elle nous dévoile un peu la personnalité de l'auteur en rassemblant certains passages de ses propres textes pleins de sensibilité.

Pour résumer : La suite !

The People of Paper, de Salvador Plascencia

samedi 22 septembre 2007

Pas de traduction française.

The People of Paper raconte les histoires croisés d'un chicano incontinent, d'une femme en papier, d'un chirurgien d'origami, d'un luchador mexicain, d'un bébé nostradamus, de Saturne, d'un amour perdu, de tortues mécaniques et d'une petite fille accro aux citrons. C'est également les chroniques de la guerre d'un auteur contre son propre roman.

The People of Paper est un peu la terreur du critique, le genre de livres aussi difficile à résumer qu'a évaluer, qui vous fait remettre en question tout ce que vous avez lu auparavant.

Avec ce livre très ambitieux dans sa contruction narrative et par sa recherche graphique exceptionnelle, Salvador Plascencia réalise l'exploit de produire une oeuvre à la fois absurde et profonde, incroyablement travaillée, dans un langage accessible et en moins de 300 pages.

Plutôt que de rester prisonnier de son format, l'auteur en tire parti pour renforcer sa narration : plusieurs colonnes sur une page lorsque l'auteur veux offrir le point de vue de différents personnages sur une même action, mise en page au format "paysage" ou hybride lors de moments de conflits et d'incertitudes, paragraphes effacés, noms rayés, illustrations : chaque élément graphique participe à la logique narrative et encourage le lecteur à s'impliquer dans le récit, à découvrir comment cette folle histoire va bien pouvoir se terminer.

Pour un lecteur curieux cherchant un livre sortant de l'ordinaire en littérature fantastique, The People of Paper est une oeuvre à ne pas manquer.

Une de mes meilleurs lectures de l'année.

Tales from Earthsea, de Ursula K. Le Guin

jeudi 13 septembre 2007

Traduction française : Contes de Terremer

Ce livre est le cinquième volet de la saga Earthsea / Terremer.


Tales from Earthsea est un recueil de cinq nouvelles qui détaillent certains points de l'univers d'Earthsea restés flous jusqu'ici. Si j'avais beaucoup apprécié le premier retour d'Ursula Le Guin dans son monde (Tehanu), ce recueil m'a par contre fortement déçu.

The Finder, la première et la plus longue nouvelle, s'intéresse à l'époque lointaine de la fondation de Roke, l'île servant de siège à l'école de magie et au conseil des mages. C'est un sujet potentiellement intéressant, mais la lecture a été très pénible : presque toute la première partie est lente et inutile, et aurait méritée d'être supprimée. La nouvelle n'apporte finalement que peu de détails ou passages qui ne soit pas de la redite de situations déjà lues dans les quatre premiers livres.

Darkrose and Diamond est une histoire d'amour qui en remet une couche sur les coutumes et le mode de vie des mages. Gentillette et suffisament courte pour être agréable.

The Bones of the Earth raconte une partie de la jeunesse d'Ogion, le maître de Ged, et revient sur l'évènement qui a batit sa réputation : avoir réussi à stopper magiquement un tremblement de terre.

On the High Marsh paraît être un simple pretexte pour faire apparaitre Ged dans le recueil (lors de son "rêgne" comme Archimage), car le reste est finalement anécdotique.

La dernière nouvelle, Dragonfly, était potentiellement la plus importante, puisqu'elle fait le lien entre Tehanu et The Other Wind, le dernier épisode de la saga Earthsea. J'ai eu quelques difficultées à comprendre où l'auteur voulait nous emmener, et on n'en sait malheureusement pas vraiment plus à la fin. J'attendrai d'avoir lu The Other Wind pour donner un jugement définitif sur ce dernier récit.

En espérant que ce dernier livre permette au cycle de se terminer sur une meilleur note.

In the Palace of Repose, de Holly Phillips

samedi 8 septembre 2007

Pas de traduction française.

In the Palace of Repose est un recueil de neuf nouvelles dont les thèmes oscillent entre fantastique, horreur et littérature générale.

Comme dans beaucoup de premiers recueils, la qualité des nouvelles est assez inégale. Cependant, la plupart sont magnifiquement écrites, que ce soit la nouvelle titre In the Palace of Repose (ma préférée, l'histoire du gardien d'un "palace" emprisonnant une créature mystérieuse), The Other Grace (une jeune femme amnésique qui combat le retour de son ancienne identité), Summer Ice (la chronique de vie d'une artiste) ou encore Variations on a theme (l'histoire d'une musicienne de génie dont le talent n'est pas vraiment naturel).

Ces nouvelles ont souvent pour points communs la quête d'identité de leur héroïne au milieu de personnages, d'environnements ou d'évènements fantastiques. The New Ecology, l'histoire surréaliste d'une jeune femme poursuivit à travers les Etats-Unis par des créatures étranges, me rappelle beaucoup les nouvelles de Kelly Link par son côté absurde jamais remis en question.

Un bon recueil pour les amateurs du genre fantastique et de la langue anglaise.

The First Law, de Joe Abercrombie

lundi 3 septembre 2007

Traduction française : La Première Loi.

1. The Blade Itself (2006) / L'éloquence de l'épée
2. Before They Are Hanged (2007)
3. The Last Argument of Kings (mars 2008)

Mon avis sur The Blade Itself :

Logen Ninefingers, un barbare nordique, est laissé pour mort dans une bataille contre son ancien leader, qui l'a trahit et s'est auto-proclamé Roi du Nord. Sa rencontre avec Bayaz, magicien légendaire et énigmatique, va l'emmener jusqu'au coeur de l'Union, ses anciens ennemis. Car l'Union est menacée tant par ses ennemis extérieurs que par ses démons intérieurs, et un homme va rapidement s'en rendre compte : l'inquisiteur Glokta. Autrefois le meilleur homme d'épée de l'Union, son corps meurtri par un séjour comme prisonnier de guerre à fait de lui un infirme qui semble prendre un malin plaisir à arrâcher les secrets de ses victimes. Pendant ce temps, Jezal, un jeune noble flambeur et prétentieux, se prépare pour le grand tournoi qui récompensera le meilleur bretteur de l'Union, et promet la gloire à son vainqueur...


Après la lecture du premier volume de cette trilogie, on constate facilement que Abercrombie n'a aucune intention de révolutionner le genre. Les influences d'auteurs du passé ou du présent (Tolkien, Martin) sont évidentes et pourraient laisser augurer d'une énième pâle copie sans intérêt. Une impression qui est rapidement attenuée. Après quelques chapitres, j'avais tout de suite la sensation d'un jeune auteur honnête, dont le slogan pourrait être : "Oui, je fais la même chose que tous les autres, mais je le fais bien."

Car si The Blade Itself ne présente que peu d'idées sortant des sentiers battus, son auteur est intelligent et talentueux, et son inexpérience ne l'empêche pas de bien maîtriser son scénario. De la même manière que Scott Lynch, Joe Abercrombie s'appuie beaucoup sur des dialogues travaillés pour capturer l'attention du lecteur, et possède une science du rythme et du chapitrage qui lui permet de ne pas la perdre.

The Blade Itself est une lecture facile, sans prétention, qui n'a pas d'autres objectif que le divertissement, ni de multiples niveaux d'interprétation. Mais c'est un objectif qui est parfaitement accompli, et si le livre n'a ni la complexité de A Song of Ice and Fire (Le Trône de Fer) ni la profondeur philosophique de The Prince of Nothing, c'est une oeuvre qui surclasse sans problème beaucoup de soit-disant chez d'oeuvres du genre, avec une pointe d'humour et d'auto-dérision qui fait beaucoup de bien. J'attends la suite.

Tehanu, d'Ursula K. Le Guin

samedi 1 septembre 2007

Traduction française : Tehanu

Ce livre est le quatrième volet de la saga Earthsea / Terremer.

Publié 20 ans après la trilogie originale, Tehanu est un livre qui est très loin d'avoir fait l'unanimité, que ce soit chez les lecteurs ou chez les critiques. C'est en effet un volume assez différent des trois premiers, très contemplatif, qui laisse peu de place au rythme élevé et aux aventures que contenaient ses prédécesseurs.

Bien que ce ne soit pas le dernier volume de la saga, Tehanu avait été pensé et publié comme une conclusion. Effectivement, on a l'impression d'un gros épilogue, mais surtout d'un dialogue et d'un échange entre deux auteurs : l'Ursula Le Guin des années 70, atteignant l'apogée de sa carrière, et celle des années 90 qui a plus de recul sur son monde et le peuple qui l'habite.

Tout au long du récit, on sent une volonté de développer certains aspects laissés en suspens, notamment sur le mode de vie des magiciens (célibat imposé, fonctionnement du conseil des mages, leurs relations avec les habitants d'Earthsea). Ursula Le Guin continue également sa reflexion sur le pouvoir des petits et des grands, une constante dans ses oeuvres, avec ses 3 personnages principaux se débattant face à leur environnement hostile : Ged, autrefois le plus puissant des magiciens, doit apprendre à vivre sans ses pouvoirs, et Tenar cherche un sens à sa vie en dehors de la religion, après avoir renié sa position de plus grande prêtresse de son ordre. Mais c'est à Tehanu, petite fille violée et brulée vive, qu'incombe l'épreuve la plus difficile : devenir adulte sans avoir été une enfant.

Les rôles féminins sont particulièrement développés dans ce livre, et ce n'est pas un hasard. L'auteur avait été critiquée dans sa première trilogie pour le déséquilibre entre son traitement des personnages hommes et femmes (ex : pas de femme magicienne, un seul personnage féminin majeur) et son envie de rectifier ce point est ici évident.

Au final ce livre est pour moi une excellente surprise, qui a très peu de chances de plaire aux lecteurs de fantasy recherchant batailles et aventures, mais qui comblera ceux qui s'intéressent à la façon dont un monde fictif peut évoluer durant la carrière d'un auteur, ou ceux qui apprécient simplement les talents de conteuse et la sensibilité d'Ursula Le Guin.

Red Seas Under Red Skies, de Scott Lynch

vendredi 24 août 2007

Traduction française : Prévue (Bragelonne).

Suite au succès de The Lies of Locke Lamora, RSURS était peut-être le livre de Fantasy le plus attendu de l'année 2007 chez beaucoup de lecteurs anglophones. C'est donc avec une grande impatience que j'ai saisi la flamboyante couverture entre mes mains, pour finalement plonger dans les dialogues et descriptions saignantes de l'oeuvre de Scott Lynch.

RSURS est globalement un livre qui m'a procuré le même plaisir que son prédécesseur. Sa structure est un peu plus complexe (utilisation massive des flash-back / flash-forward dans le premier tiers du récit, un peu trop à mon goût) mais la narration est également un peu mieux maitrisé et les environnements plus diversifiés. On retrouve les mêmes dialogues witty qui parsemaient déjà TLoLL, pour mon plus grand plaisir.

"Woman, your heart is a mapless maze. Could I bottle confusion and drink it a thousand years, I could not confound myself so much as you do between waking and breakfast. You are grown so devious that serpents would applaud your passage, would the gods but give them hands".

Contrairement à ce qui a pu se dire dans certaines reviews US, Red Seas Under Red Skies ne peut PAS se lire indépendemment de TLoLL, car si le livre contient bien une histoire propre, les références fait par les personnages à leur passé sont nombreuses et sont importantes pour la compréhension des enjeux de l'intrigue.

Plus de la moitié du livre se passe en mer, et même si l'auteur avoue que ces connaissances en la matière sont assez limitées (à l'image de celles de Locke), aucun détail ou évènement ne m'a parut particulièrement incongru.

Si certaines situations, comme les diverses joutes verbales avec Requin ou l'Archon partage des similitudes avec celles du premier volume (Barsavi, The Spider, The Grey King), elles présentaient assez de nouveautées pour ne pas m'ennuyer.

"Handsome Marcus," said Drakasha. "Gods, you get uglier every time I come back. Like someone's slowly sculpting an ass out of a human face."

Finalement, mon seul regret concerne la diversité des personnages principaux, qui malgré le developpement considérable de Jean Tannen, ne sont que deux pour assurer le spectacle tout au long du livre (les personnages secondaires restant...secondaires). Je ne pense pas que Scott Lynch pourra continuer à s'appuyer uniquement sur ces deux personnages pour porter l'intrigue dans le tome 3.

Mais d'après une interview récente de Scott Lynch, il semblerait que nous ayons enfin droit à une apparition de Sabetha...

Oh, et je suis impatient de savoir comment les traducteurs de Bragelonne vont négocier le changement de patronyme d'un personnage secondaire répondant au doux nom de...Big Konar.

Oui, j'aime terminer mes articles sur ce genre de notes subtiles.

Alphabet of Thorn, de Patricia McKillip

jeudi 23 août 2007

Pas de traduction française.

Une jeune fille se retrouve propulsée sur le trône du royaume de Raine, sans aucune idée de la façon dont elle pourra remplir son rôle. Une traductrice orpheline mets la main sur un livre qui détient le secret de ses origines et le futur du royaume. Un bois mystérieux dévoile les pensées de ceux qui s'y promènent. Et un péril menace l'équilibre fragile du pouvoir. Vevey, la magicienne la plus célèbre et la doyenne du royaume, doit sortir de sa retraite pour éviter le pire. A une autre époque, deux amants se préparent à marquer l'Histoire de leur légende...

Après Od Magic, j'espérai trouver un roman de McKillip dont l'histoire soit un peu plus consistante, et Alphabet of Thorn a répondu pleinement à mes attentes. C'est une oeuvre bien mieux structurée que Od Magic, avec deux histoires entremêlées qui permettent à McKillip de rendre le récit moins linéaire et mieux rythmé et de tenir en haleine le lecteur jusqu'à la fin. Les rebondissements sont la plupart du temps assez anécdotiques mais parfois étonnants. C'est globalement un livre très agréable, même si j'ai trouvé la fin un peu facile et trop rapide : j'aurai préféré lire un vrai épilogue.

Un petit mot sur la fabrication du livre, dont j'ai beaucoup aimé le format (une petite hardcover) et le papier de bonne qualité.

Earthsea, d'Ursula K. Le Guin

mercredi 8 août 2007

Traduction française : Terremer.

Mon avis sur les trois premiers volumes :

Earthsea est un classique de la Fantasy, l'histoire d'un jeune garçon dont le destin est de devenir le plus grand mage d'un monde-archipel où les magiciens tirent leurs pouvoirs du nom des choses ou des personnes qu'ils manipulent. Malgré son status de classique qui pourrait faire croire à une intrigue sans originalité, c'est un cycle assez étonnant sur de nombreux points.

D'abord par son ambiance "conte au coin du feu" très bien rendue par le style d'écriture faussement minimaliste, typique de l'auteur, qui laisse une grande place à l'imagination du lecteur.

Ensuite, grâce à une autre constante de cette trilogie, qui est la brièveté des volumes (standard pour l'époque) et la tendance qui en découle : l'auteur imprime un rythme élevé dans la première partie de chaque livre, en se détachant des personnages et avec l'aide d'élipses, pour finalement se rapprocher de l'action et revenir à un rythme et à un niveau de détail plus classique dans la deuxième partie, qui représente le développement et la résolution de l'histoire.

Car chaque volume est en fait une histoire indépendante, et représente une période de la vie de Sparrowhawk/Ged, le magicien le plus célèbre d'Earthsea. Cette façon de faire n'est pas sans rappeler Windhaven (collaboration entre George R.R. Martin et Lisa Tuttle) qui est également structuré en trois parties correspondant à différentes périodes de la vie de l'héroïne.

Un autre point intéressant, qui différencie Earthsea d'autres oeuvres de la même période, est l'alternance de points de vue. En effet, si le premier livre est centré sur le personnage de Ged, le second raconte d'abord l'histoire de la prêtresse Tenar, pour ne placer Ged et Tenar à égalité qu'une fois arrivé au dernier tiers du récit. Quand au troisième livre, il propose un point de vue partagé entre Ged et le jeune Arren.

Enfin, en filigrane de l'aventure en elle-même, Ursula Le Guin n'oublie de faire passer certains messages sur l'équilibre entre l'homme et la nature, la corruption du pouvoir, l'humilité, la foi en l'Homme plutôt qu'en des forces surnaturelles...

Toutes ces particularités en font à mon avis une oeuvre particulièrement adaptée à un public de jeunes lecteurs ou de nouveaux venus dans le genre Fantasy. Ce qui ne veux pas dire que Earthsea ne pourra pas être apprécié par des lecteurs plus expérimentés, bien au contraire.

The Last Unicorn, de Peter S. Beagle

samedi 4 août 2007


Traduction française : La dernière licorne.

The Last Unicorn conte l'aventure d'une licorne et de ses deux compagnons d'infortune, un mage raté et une femme bandit, pour retrouver les derniers représentants de cette espèce mythique. Car les licornes, dispersées dans de nombreuses forêts et rendues insouciantes par leur immortalité, se sont éloignées les unes des autres jusqu'à se perdre dans un monde qui a changé et qui n'est plus vraiment le leur.

Durant leur périple, ils devront affronter la cupidité et la corruption des hommes, mais aussi des créatures maléfiques, dont le terrifiant Red Bull. Mais c'est plutôt d'eux-mêmes dont ils devront avoir peur.

Beagle signe un coup de maître avec ce livre poétique et fortement allégorique. Ici, ce n'est finalement pas la destination qui compte, mais bien le voyage des trois compagnons. Voyage sur la route, et voyage intérieur car chacun d'entre eux finira son parcours changé irrémédiablement.

Un classique de la Fantasy, qui en mérite le nom.

Dying of the Light, de George R.R. Martin

dimanche 8 juillet 2007

Traduction française : L'agonie de la lumière.

"Lorsque Dirk T'Larien reçoit le joyau-qui-murmure, des souvenirs douloureux et profondément enfouis reviennent à la surface, réveillant d'anciennes cicatrices : pourquoi Gwen, son amour perdu, fait-elle appel à lui de cette manière ? Pourquoi si longtemps après leur rupture ? A l'idée qu'il existe une possibilité de renouer les liens avec celle qu'il a tant aimée, Dirk n'hésite plus et embarque dans le premier vaisseau interstellaire : direction Worlorn ! Worlorn, planète-festival maintenant à l'abandon, cadre baroque et décadent condamné à l'extinction. Sur cette planète qui se meurt, Dirk tentera de raviver la flamme de Gwen et devra, pour cela, l'arracher aux Kavalars, un peuple violent régi par un code d'honneur chevaleresque... et mortel."

Dying of the Light est le premier roman de George R.R. Martin, publié en 1977, et à mon avis son plus faible. C'est une oeuvre de science fiction assez classique, avec un clash des cultures qui va forcer chacun des protagonistes à remettre en question ses croyances. On se rends compte à la lecture qu'il s'agit d'une oeuvre de transition pour Martin, qui passe de son format de prédilection, la nouvelle, au format roman qu'il adoptera de plus en plus. Pour cette raison, Dying of the Light se lit un peu comme un grosse nouvelle qui aurait été étirée pour faire un roman. Le scénario est assez léger, Martin est loin de son meilleur niveau.

Cela ne veut pas dire que ce roman est sans intérêt : il y a de très belles scènes en extérieur, et l'ambiance de la planète mourrante sur laquelle se déroule l'histoire est parfaitement retranscrite. Il faut rappeller que l'auteur préféré de Martin est Jack Vance, auteur de Dying Earth, et que cette oeuvre a certainement influencée le roman de Martin.

Dying of the Light n'est pas un mauvais livre et je le recommande aux fans de l'auteur, qui passerons sans doute un bon moment. Les autres pourront tout aussi bien ignorer cette cette oeuvre loin d'être indispensable.

Stories of Your Life and others, de Ted Chiang

jeudi 5 juillet 2007

Traduction française : La tour de babylone.

Je ne prolongerais pas le suspens, Stories of Your Life est l'un des tous meilleurs livres de SF que j'ai pu lire. Pour moi qui n'aime pas trop le genre SF en général, c'est vraiment une très bonne surprise. Stories of Your Life est le recueil des nouvelles de Ted Chiang, auteur américain qui écrit très peu mais visiblement toujours à bon escient, car j'ai aimé toutes les histoires présentées. Ted Chiang a réussi a synthétiser dans ses nouvelles tout ce qui fait selon moi un très bon récit de SF : une reflexion sur les technologies futures et leur utilisation par l'humanité, une critique de la société, une histoire intéressante et des personnages plutôt bien developpés, surtout vu le format. Les récits ne sont ni trop court, ni trop longs, et se prêtent très bien à une relecture, de part leur richesse.

Le seul reproche possible concerne son style d'écriture, pas spécialement travaillé, mais ce n'est pas forcément ce que je recherche dans un livre de science fiction de toute façon.

En résumé, je conseille ce livre à tous les lecteurs qui aiment la SF, et à tous ceux qui ne l'aiment pas. En espérant que l'auteur ne nous fera pas attendre trop longtemps pour publier un nouveau livre.

Veniss Underground, de Jeff VanderMeer

mercredi 27 juin 2007

Pas de traduction française.

J'avais donné mon avis il y a quelque temps sur City of Saints and Madmen de Jeff VanderMeer, je vous propose cette fois-ci Veniss Underground, du même auteur. Sachez que Jeff sera au festival Utopiales à Nantes du 28 octobre au 4 novembre 2007, si cela peux vous donner une raison de plus pour commencer à lire ses oeuvres.

Si City of Saints and Madmen peut être qualifié de roman mosaïque appartenant au genre fantasy, Veniss Underground est plutôt un court roman d'horreur, avec des influences SF.

C'est en fait une reflexion sur l'identité et les dérives de l'humanité au travers de la décente aux enfers (littéralement) de ses protagonistes dans les souterrains de la cité sombre, merveilleuse et décadente de Veniss.

En plus du roman lui-même (180p), le livre contient quatre nouvelles dont l'action se déroule autour de la même ville, et qui permettent de découvrir le futur de l'univers de Veniss de nombreuses années après l'histoire du roman et prolongent la reflexion sur la décadence de cette société humaine, qui ressemble en fait beaucoup à la notre.

Il y a également beaucoup de choses intéressantes sur le plan stylistique, notamment l'utilisation parfaitement maitrisée des trois personnes de la narration (deuxième et troisième dans le roman, première personne dans une nouvelle).

En conclusion, c'est une excellente introduction à l'oeuvre de VanderMeer, où on peut déjà voir le talent du futur créateur de la cité d'Ambergris.

The Last Light of the Sun, de Guy Gavriel Kay

dimanche 24 juin 2007

Traduction française : Le dernier rayon du Soleil.

"Quelque part au nord, dans des contrées sauvages au climat extrême, trois civilisations sont parvenues à un tournant de leur histoire. A bord de leurs vaisseaux-dragons, les Erlings mènent des raids sanguinaires contre les Anglcyns, contraints de s'allier avec leurs ennemis de toujours, les Cyngaëls, pour repousser les envahisseurs. Mais le vent du changement souffle sur ces terres hostiles où rien ne pousse. Thorkell le Rouge, Aëldred et Alun, les chefs de ces trois peuples que tout oppose, vont bientôt réaliser que leur survie dépend les uns des autres, tant leurs destins sont désormais étroitement liés. Malgré la présence bienveillante des fées de l'entremonde, est-on arrivé au dernier rayon du soleil ?"

J'avais donné mon avis sur Tigana, le premier roman de Kay (après la trilogie Fionavar) que j'avais plutôt apprécié. The Last Light of the Sun est nettement plus récent (2004) mais ça ne se voit pas vraiment. Kay réemploi sa recette fétiche mélangeant influences historiques et fantasy pour créer un univers qui lui appartient. J'ai trouvé cette histoire nettement moins ambitieuse que celle de Tigana, et en conséquence mieux maitrisé, mais aussi moins intéressante.

Il se passe finalement assez peu de choses importantes dans ce livre, et il est au départ difficile de différencier les différentes cultures dépeintes par l'auteur. Quoi qu'il en soit, la prose de Kay est toujours aussi agréable et parvient à maintenir l'attention du lecteur lorsque l'action s'essouffle.

Ce livre n'est donc pas un essentiel de Kay, (je préfère nettement Les Lions d'Al-Rassan) mais c'est un divertissement agréable que je conseille à ceux qui ont apprécié ses oeuvres précédentes.

The Long Price Quartet : A Shadow In Summer, de Daniel Abraham

dimanche 17 juin 2007

Pas de traduction française.

Je ne suis pas un grand amateur de cycles de fantasy. Il est déjà difficile de faire un très bon roman, alors je trouve qu'en écrire quatre, six, dix, sans baisser de niveau, et en ne cédant pas à la tentation du remplissage relève presque du miracle, et n'est que très rarement accomplit.

Pour autant, il y a quelques très bonnes séries en cours actuellement, et de nouveaux auteurs apparaissent régulièrement, dont certains semblent avoir beaucoup de potentiels pour le futur.

A Shadow in Summer, premier volume de The Long Price Quartet, est paru en 2006 dans l'ombre de sorties comme The Lies of Locke Lamora ou The Blade Itself. Ce livre de Daniel Abraham a pourtant des qualités évidentes, et mérite d'être plus connu.

C'est vrai, l'univers n'est pas très développé, que ce soit son histoire ou sa géographie : vous ne trouverez pas de descriptions de dizaines de pages sur la faune et la flore, pas plus que d'arbres généalogiques des différentes dynasties. Abraham préfère mettre l'accent sur les relations entre ses personnages, dans la tradition des intrigues de cour, et privilegie la description de la culture particulière de son univers, où, pour s'exprimer, les gestes comptent autant que les mots. Un interlocuteur peut parfois exprimer avec les même mots des nuances différentes suivant les postures de son corps (extrait) et si ce système peut paraître étrange au début, on s'y fait très rapidement.

L'autre originalité notable de ce livre est la façon dont Abraham a developpé sa propre magie. Pas de boules de feu, pas de super-pouvoirs, les magiciens de A Shadow in Summer sont des poètes. Choisis avec le plus grand soin, ces personnes sont capables de matérialiser des idées abstraites sous forme d'esprits humanoides doués de la parole et de sentiments. Le problème est de garder le contrôle de ces créatures, car ces incarnations ne désirent qu'une seule chose : revenir à leur état naturel, par tous les moyens.

Il y a longtemps que je n'ai pas lu un début de série de fantasy aussi étonnant. J'ai apprécié que la façon d'écrire de l'auteur s'adapte particulièrement bien à l'ambiance du récit, plutôt que de l'entraver. Les relations entres personnages (peu nombreux) sont particulièrement bien developpées, ce qui est logique puisque c'est le sujet principal de ce premier volume. L'univers est au second plan, mais n'en est pas moins agréable. Le livre est par ailleurs très court pour ce type de récit, ne comptant pas plus de 350 pages.

Mon seul reproche, et il est de taille, concerne le rebondissement final. Il est assez difficile de préciser sans dévoiler l'intrigue, mais il y a une grosse incohérence qui rends la fin assez décevante. Ceci dit, ce n'est pas préjudiciable pour la suite, et cette négligence est pardonnable dans un premier roman.

Une dernière chose, ce livre ne se termine pas sur une révélation ou en plein milieu d'un évènement important, comme cela arrive parfois, et peut facilement être lu comme un roman plutôt que comme le début d'une tetralogie.

Une chose est sûre, je lirai la suite.

Magic for Beginners, de Kelly Link

mardi 12 juin 2007

Traduction française : La Jeune Detective (~2008/9, Denoël).

Une des raisons pour laquelle j'aime autant les genres que sont la Fantasy et le Fantastique, est l'absence de barrières : la seule limite est l'imagination.

Je trouve donc étonnant d'être aussi souvent confronté à des auteurs qui se contentent de copier ce qui a déjà été fait par leur prédécesseurs, le plus souvent en moins bien.

Kelly Link fait partie des artistes qui n'hésite pas à experimenter, sans se soucier de rentrer dans le moule commercial. En plus d'être co-fondatrice de Small Beer Press, un petit éditeur de SF/F (qui publie Ellen Kushner, Alan DeNiro, John Crowley, entre autres), la dame est une des meilleurs auteurs de nouvelles que j'ai pu lire, grâce à un univers et un style très personnel.

Difficile de faire un résumer d'ensemble des dix histoires contenues dans Magic For Beginners. Si il fallait donner un qualificatif à son style, je dirais fantastique-absurde.

Pour vous donner un petit aperçu du contenu de ce livre, sachez que vous rencontrerez des sorcières, des zombies, un sac à mains qui ouvre une porte sur un nouveau monde, le diable, des gens qui voyagent en canon, encore des zombies, des enfants habillés en peaux de chats, des fourmis, des mariages entre morts et vivants, une invasion de lapins, et les stars virtuelles d'une émission télé.

Dans toutes ces histoires, l'utilisation du fantastique et de l'absurde est très présente, mais n'est pourtant pas une fin en soit, et sert à l'auteur pour aborder des sujets plus sérieux, qui tournent la plupart du temps autour des problèmes familiaux.

Bien sûr, tout n'est pas parfait : les deux histoires sur les zombies se répètent beaucoup, et la dernière, Lull, me laisse dubitatif. Les autres nouvelles vont du bon à l'excellent (la nouvelle titre).

Ce n'est pas un recueil qui plaira à tout le monde, que ce soit sur le fond ou sur la forme, mais Kelly Link a une voix unique et ce serait dommage de ne pas lui laisser une chance. La bonne nouvelle, c'est que son premier recueil, Stranger Things Happen, est disponible gratuitement en téléchargement sur le site de l'auteur.

The Age of Unreason, de Greg Keyes

dimanche 3 juin 2007

Traduction française : L'Age de la Déraison.

L'Age de la Déraison est le premier cycle original de Greg Keyes. Précédemment, il avait écrit plusieurs romans dans les univers de Star Wars et de l'excellente série télé Babylon 5. Dernièrement, il a démarré une série de fantasy épique, The Kingdoms of Thorn and Bones, dont le dernier volume est prévu pour début 2008.

Mais aujourd'hui c'est L'Age de la Déraison qui nous intéresse. C'est une tetralogie que l'on peut classer dans le genre uchronie.

1 - Les Démons du Roi-Soleil / Newton's Cannon
2 - L'Algèbre des anges / A Calculus of Angels
3 - L'Empire de la déraison / Empire of Unreason
4 - Les Ombres de Dieu / The Shadows of God

L'histoire commence lorsque Isaac Newton réussi sa première expérience d'alchimie, après des années d'essais infructueux. Sa découverte, le mercure philosophal, va changer la face du monde, en permettant de créer des inventions alchimiques incroyables. En 1720, la guerre entre la France et l'Angleterre prend une nouvelle dimension : des armes puissantes ont été créées d'après ce procédé quasi magique.

Louis XIV, dont la vie a été rallongé par un élixir persan, jubile. Le jeune Benjamin Franklin, alors apprenti imprimeur éperdu d'admiration pour Isaac Newton, a de son côté conçu une nouvelle machine permettant la communication longue-distance grâce à l'éther. Mais les conséquences de tous ces inventions sont terrifiantes : des êtres maléfiques sont apparus et conspirent pour nuire à l'humanité...

Un très bon cycle, avec ce qu'il faut d'originalité pour passionner le lecteur, tout en ne le perdant pas. Les volumes ne sont pas très épais, et à part une longeur dans le troisième, le rythme est très bien géré.

Les personnages ne sont pas particulièrement travaillés pour la plupart, mais suffisemment intéressants tout de même pour qu'on finisse par s'attacher à eux. Le style de Greg Keyes est dans la moyenne.

Si vous cherchez une série qui change des sagas médievales multi-volumes, et que le mélange entre réalité historique et magie ne vous rebute pas, alors jetez-vous sur l'Age de la déraison.

Tigana, de Guy Gavriel Kay

vendredi 25 mai 2007

Traduction française : Tigane.

La carrière littéraire de Guy Gavriel Kay commença en 1974, lorsque Christopher Tolkien lui demanda de l'aider à compléter les fragments du Silmarillion commencé par son père. L'influence de l'oeuvre de Tolkien le suivit longtemps et est d'ailleurs très présente dans sa première oeuvre personnelle, la trilogie Fionavar, écrite dans les années 80 et souvent regardée avec dédain par les lecteurs chevronnés du genre Fantasy du fait entre autres de son classicisme.

Tigana est le premier roman "one-shot" de Guy Gavriel Kay et marque un tournant dans sa carrière. Publié en 1990, il inaugure ce qui sera par la suite la marque de fabrique de l'auteur : un récit de fantasy dans un univers inspiré par l'histoire de notre monde. Pour Tigana, Kay a choisi comme inspiration la péninsule italienne de la renaissance et ses multiples provinces et cités-états.

Les conflits incessants qui opposent ces factions en ont permis la conquête par deux empires rivaux représentés par deux terribles sorciers. Le livre raconte l'histoire du conflit entre ces deux mages pour la suprématie sur la péninsule et le parcours d'un groupe de rebelles originaires de la province de Tigana, qui souhaitent se venger des exactions qu'ils ont subits lors de la conquête.

Derrière ce synopsis somme toute très simple se cache une histoire prenante et quelques personnages particulièrement bien travaillés, la relation Dianora-Brandin en étant certainement le meilleur exemple. Finalement, mon seul vrai reproche concerne le format : c'est un peu court. J'aurais aimé que certains personnages secondaires soient plus développés, et en savoir plus sur la vie de chacun après le conflit principal, car Kay nous en offre une gallerie assez importante et on sent qu'il y a matière à les développer.

En comparaison des autres romans de cet auteur, Tigana m'a moins captivé que The Lions of Al-Rassan, mais je l'ai préféré à The Last Light of the Sun ou à A Song for Arbonne.

Malgré quelques défauts mineurs, c'était une lecture très agréable, que je conseille à tous.

City of Saints and Madmen, de Jeff VanderMeer

jeudi 10 mai 2007

Traduction française : La Cité des Saints et des Fous.

"Il était une fois sur les bords du fleuve Moss, une cité fantastique du nom d'Ambregis qui entretenait une troublante ressemblance avec le monde que vous pensez connaître. Bâtie avec le sang de ses premiers habitants et marquée pour des siècles par les répercussions de cette lutte, Ambregis est devenue une métropole d'une cruelle beauté - refuge pour les peintres et les voleurs, les compositeurs et les meurtriers... Vous y croiserez des Saints vivants, des écrivains fous, de médiocres artistes se transformant soudain en génies, des calmars géants intelligents, ou encore d'étranges créatures furtives qui ressemblent à des champignons et détiennent les clés de nombreux secrets. Vous y trouverez aussi, au fil de ce livre-univers rabelaisien, grotesque, tragique et parfois déchirant, l'un des plus beaux portraits de ville de la littérature contemporaine." (Amazon.fr)

Ce livre est celui qui a totalement redéfinit ma vision de ce que pouvait être la Fantasy lorsque je l'ai lu en 2006. C'est un livre qui ne plaira pas à tout les publics, avec sa structure très particulière et les multiples changements de style de son auteur qui peuvent dérouter.

Cette oeuvre est un roman, une collection de nouvelles, un traité historique, une biographie, un entretien en hopital psychatrique (avec l'auteur lui-même comme personnage principal) et un glossaire délicieusement tordu. C'est un peu de tout cela, mais c'est surtout, à mon avis, l'un des plus grands chefs-d'oeuvre de la fantasy de ces dernières années.

La Fantasy est un genre qui s'essouffle, sans originalité

jeudi 3 mai 2007
En lisant divers blogs et forums sur la toile ces derniers temps, je me rends compte que beaucoup d'entre eux aborde à un moment ou à un autre le même sujet : La Fantasy est un genre qui s'essouffle, il n'y a presque plus d'originalité, seulement des copies des oeuvres des maîtres (Tolkien, Tolkien et parfois Tolkien) par des auteurs dont le seul but est de se remplir les poches (Paolini, Goodkind, Brooks, etc.)

Eh bien je dis oui, effectivement. Oui.

Et non.

C'est un tout petit peu plus complexe que ça, forcément, mais c'est un sujet intéressant parce-que même si c'est une question qui peut finalement être posée pour n'importe quel genre littéraire, la réponse pour la Fantasy n'est pas necéssairement évidente.

La particularité de la Fantasy c'est que par définition c'est un "machin", un genre pas vraiment classable, et qu'on ne sait pas vraiment quoi mettre dedans.

Prenons la Fantasy dans son sens le plus étroit, c'est-à-dire ce que les anglo-saxons appellent la High Fantasy (= fantasy type Tolkien avec magiciens, trolls, etc.). On peut bien sur lui faire le reproche de ne pas se renouveller, et de toute évidence c'est le cas. Mais après tout la High Fantasy c'est de la High Fantasy, on ne va pas demander à un livre de ce genre d'avoir des scènes de combat en vaisseaux spatiaux, ou des joutes de lutteurs greco-romains. Ceci dit, il est probablement possible de réutiliser les clichés du genre et de réaliser un traitement original.

Quoi qu'il en soit, mon principal problème avec les avis dont je parlais plus haut, c'est que leurs auteurs semblent se contenter de cette vision très traditionnelle et limitée du genre.

La Fantasy au sens anglo-saxon du terme, qui englobe ce que l'on appelle le fantastique en France, est tout sauf sclérosée. Peut-être est-ce d'ailleurs cette distinction entre Fantasy = médieval et Fantastique = moderne qui fait se poser en France la question du renouveau du genre, problème qui n'est jamais évoqué chez les internautes anglophones. En effet, je pense qu'en faisant une séparation aussi nette entre ces deux genres voisins de l'imaginaire, les lecteurs ont tendance à ne s'approprier qu'un seul de ses genres et à délaisser l'autre par préjugé.

C'était en tout cas ma situation personnelle avant d'atteindre un bon niveau d'anglais et de pouvoir ainsi nettement étendre mes horizons de lecture, et voir ce qui se passait chez nos voisins. J'ai découvert par la suite qu'une partie des auteurs que je lisait en anglais avait déjà été traduit en français depuis plusieurs années, mais que je les avait ignoré car je n'avais aucune idée que ce qu'ils écrivaient, estampillé fantastique chez nous, était en fait pour la plupart tout simplement de la Fantasy.

(Je vous laisse quelques instants sur cette révélation insoutenable. Je vais reposer mes petits doigts potelés un moment. Je reviens immédiatement après cette brève coupure publicitaire.)

Toute cette tartine pour en venir au fait que, à mon avis, la plupart des personnes qui critiquent la production fantasy actuelle le font sans aucun mauvais esprit, mais ne connaissent en fait pas bien le genre. Ce qui est finalement une bonne nouvelle, puisque cela signifie qu'ils ont des quantités d'oeuvres merveilleuses à découvrir, et c'est un peu la mission de ce blog que de les partager avec eux.

Je vous propose donc maintenant de faire une virée dans la Fantasy au sens large pour essayer de comprendre ce que signifie ce terme pour moi et pour une bonne partie de la planète (vous savez, celle où les armes sont en vente livre...euh libre).

On peut s'amuser à classer les oeuvres de Fantasy en sous-genres, ce qui est un peu vain dans l'absolu mais peut permettre de mettre en évidence la diversité des oeuvres proposées en littératures de l'imaginaire. Ce que je vous propose n'est pas une classification stricte, imposée par l'Académie de la Fantasy mondiale, c'est simplement un outil personnel pour découvrir de nouvelles choses.


High Fantasy : j'en ai déjà parlé, c'est la Fantasy classique : Tolkien, Eddings, Paolini, Goodkind pour ne citer que les plus connus. Force est de constater que Tolkien, en ouvrant la voie, a également fermé la porte derrière lui, tant la richesse de son univers semble impossible à reproduire. Heureusement, rien n'oblige à se battre directement sur le terrain du professeur.

Epic Fantasy : le terme est peut-être impropre, mais s'est énormément popularisé ces dernières années, en faisant le sous-genre de Fantasy le plus dynamique. Les auteurs majeurs sont George R.R. Martin, R. Scott Bakker, Steven Erikson ou encore Greg Keyes. C'est un type de Fantasy qui se concentre sur des conflits politiques et/ou militaires de grande envergure, vue par les yeux de plusieurs personnages aux destins et perspectives opposés. Le but étant de proposer une histoire moins linéaire (les points de vue alternent) et moins manichéenne : il n'y a pas vraiment de "gentils" ou de "méchants", seulement des intérêts divergeants. Ces oeuvres tendent à se concentrer d'avantages sur les protagonistes que sur l'univers qui les entoure.

New Weird : certains grinceront des dents en me voyant employer ce terme, mais tant pis. Il n'y a pas vraiment de Fantasy "New Weird" à proprement parler, mais plutôt une tendance commune à un certain nombre de jeunes auteurs, qui cherchent à proposer des oeuvres de Fantasy se plaçant aux frontières de la Science fiction et/ou de l'Horreur. Les principaux auteurs catégorisés New Weird sont China Miéville(*), Jeff VanderMeer, Hal Duncan ou encore K.J. Bishop. Les auteurs de ce courant tendent à réutiliser les clichés de la High Fantasy (créatures, magiciens, univers médiéval ou renaissance) et à les combiner à un traitement très sombre : cités décadentes, créatures mi-monstres mi-humaines, éléments steampunk).

Urban Fantasy : ce genre est un peu foure-tout, pouvant accueillir le meilleur (Charles de Lint, Neil Gaiman, China Miéville(**)) comme le pire (je vous laisse deviner) et correspond plus ou moins à notre genre "Fantastique". On peut y mettre tout ce qui touche au surnaturel tout en prenant pour base le monde réel. Le traitement est par contre très variable, pouvant aller des chroniques de vie mélancoliques de Charles de Lint aux enfants sorciers de J.K. Rowling.

Light Fantasy : c'est de la fantasy basé sur l'humour ou l'absurde, comme les oeuvres de Terry Pratchett. Un auteur de light fantasy francophone : Fabrice Colin avec "A Vos Souhaits".

Slipstream/Magical realism : difficile à décrire, car on touche aux limites de la fantasy, ces deux genre voisins sont très proches de la fiction classique dans le ton, si ce n'est la présence d'éléments surnaturels plus ou moins important : Gabriel Garcia Marquez, Kelly Link, Haruki Murakami...

Historical Fantasy : c'est un sous-genre qui se rapproche de l'uchronie, avec une base historique quelconque sur laquelle on ajoute des éléments fantasy : "Le Lion de Macédoine" de David Gemmell ou la plupart des romans de Guy Gavriel Kay.

Bref, on peut continuer comme cela longtemps mais il n'est pas difficile de voir que ces sous-genres se chevauchent tous plus ou moins. Cette classification est tout de même utile, pas dans un but futile de catégorisation mais pour faciliter la découverte d'oeuvres peu connues dans un genre immense. Elle permet de se poser des questions comme : Avez-vous déjà lu une oeuvre New Weird ? Une oeuvre Slipstream ? de la Fantasy historique ? Elles ne vous plairont peut-être pas, mais après tout vous ne perdez rien à essayer...et vous avez peu de chances de tomber sur un clone des grands classiques. Si vous recherchez des oeuvres un peu alternatives, n'hésitez pas à demander des conseils sur les forums en donnant des noms de sous-genres que vous souhaitez explorer, les avis peuvent être très pertinents.

Le reste ne dépends que de vous. Rompez soldat, et bonne chance dans vos recherches :D

(*) : Perdido Street Station, The Scar (Les Scarifiés)
(**) : King Rat (Le Roi des Rats), Un Lun Dun