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Flashback, de Dan Simmons

jeudi 31 mai 2012

Traduction française : Flashback (Robert Laffont)

"En 2035, l'Amérique a beaucoup changé. Le Monde aussi. Nick Bottom, un ancien policier de Denver, à peu près ruiné, et qui vit d’allocations sociales, comme la plupart des Américains, est engagé par le multimilliardaire japonais Hiroshi Nakamura pour reprendre l’enquête sur l’assassinat de son fils Keigo et de la compagne de celui-ci, survenu six ans plus tôt. Nick a enquêté à l’époque sur cette affaire mais depuis la mort de sa femme, Dara, dans un accident de voiture, il a quitté la police parce qu’il est devenu accro au flashback, une drogue illégale. Le flashback permet de revivre des souvenirs parfaits. Toute l’Amérique s’adonne au flashback : c’est pour les plus jeunes le moyen de revivre leurs pires turpitudes et pour les plus vieux celui de retourner dans le monde idéal d’autrefois.
Car l’Amérique, en faillite financière, politique et morale, s’est désintégrée. Le Nouveau Mexique a été envahi par les hispaniques de la reconquista et la Californie risque de l’être. Plusieurs États ont proclamé leur indépendance.
Par ailleurs, la Chine a éclaté en Royaumes Combattants et des troupes américaines mercenaires y mènent des guerres de pacification sans espoir pour le compte du Japon néo-féodal. Israël a été détruit par onze bombes thermonucléaires et les quelques dizaines de milliers de survivants, accueillis par les États-Unis, ont été parqués dans des camps. Et surtout le Califat Global étend son emprise totalitaire sur l’ensemble de la planète…" (Editeur)



L'univers dans lequel se déroule l'action de Flashback est un futur proche (2035) dans lequel toutes les peurs profondes de l’Amérique conservatrice se sont concrétisées : terrorisme rampant, islam radical lancé à la conquête du monde, mise en minorité de la "race blanche" par les latinos dans la sun belt, immigration clandestine incontrôlée, faillite de l’État providence sous le poids de programmes sociaux démesurés, perte d'influence géopolitique du pays, et enfin démembrement des États-Unis et asservissement de ses citoyens aux intérêts asiatiques et à la drogue. Dans ce contexte, qui apparait comme un assemblage de clichés, on suit les aventures de Nick Bottom, flic drogué au Flashback, Val, son fils délinquant, et Léonard, le beau-père de Nick et professeur d'université émérite.

Le contexte géopolitique, tel que présenté ici, ressemble beaucoup à ceux que l'on peut trouver dans certains livres de jeu de rôles futuristes, mais les jeux de rôles ont en général des univers plus poussées, et avec moins de clichés que dans ce dernier Simmons. Car avec les informations présentées ici, vous savez déjà tout : Simmons ne cherche à aucun moment à développer les motivations, rapports de forces, enjeux, ou tout autre élément qui pourrait donner une certaine épaisseur et crédibilité à son propos :

La Chine s'est désagrégée, puis divisée entre multiples seigneurs de guerre en combat constant ? Soit. Pourquoi ? Comment ? On n'en saura pas plus.

L’Union Européenne à ouvert ses portes à l'immigration venue du Moyen-Orient, et a été absorbée dans le "bloc" islamiste ? Soit. Le sujet ne sera jamais développé.

Les États-Unis, criblés de dettes, ont subitement et simplement décidés d'abandonner leur souveraineté et de devenir les laquais de l'ONU et d'un Japon devenu subitement la première puissance politique de la planète ? Cela semble peu probable (on ne parle pas de la Grèce, mais d'une superpuissance militaire), et pourtant Simmons ne cherchera jamais à donner la moindre explication à peu près vraisemblable pour expliquer ces évènements.

Un travail de recherche de base a été effectué sur l'économie, mais limité à une régurgitation des théories anti-keynésiennes (et simplifiées de manière consternante en "les programmes sociaux entraînent inévitablement la décadence d'une société"). Au delà de cette "recherche" de base, Simmons ne présente aucune réflexion sur la géopolitique ou sur l'économie. Il ne s'y essaie même pas, se contentant de s'en servir comme toile de fond pour colorer son récit.

Or si le scénario dans son ensemble est intéressant et tiens la route (hormis la fin qui me parait on ne peut plus improbable, et le sous-texte pathétique), les clichés et autres simplifications ne s'arrêtent pas à l'univers, puisqu'on voit apparaitre beaucoup des lieux communs du cyperbunk et du policier hardboiled, avec notamment pour personnage principal un ancien flic brillant dont la femme est morte, et qui s'est réfugié dans la drogue pour en définitive se faire éjecter de la police... Le démarrage est par ailleurs des plus poussif, et la scène de dialogue d'introduction entre Nick et son nouvel employeur japonais atteint des sommets dans l'insipide.

A noter que, le Japon disposant d'une place importante dans cette histoire, Simmons à fait le choix d'en utiliser la langue d'une manière complètement débridée (des dizaines de phrases et de termes japonais sont utilisés dans le livre) et surtout catastrophique, puisque de nombreuses erreurs sont à déplorer : syntaxe, orthographe, grammaire, tout y passe, même des fautes de frappe comme l'ami Daichi Omura qui devient Daichu Omura, page 441. Seul point positif : l'utilisation judicieuse de "seppuku" plutôt que "harakiri", sans quoi j'aurais prescrit l'éventrement.

Que conclure après ça, si ce n'est qu'il s'agit pour moi d'une œuvre à fort potentiel, écrite avec nonchalance et une grande paresse intellectuelle par un auteur très talentueux, qui a limité ses recherches au minimum syndical pour sortir le plus rapidement possible un livre qui lui permette de cracher sa frustration sur les choix politiques qui sont opérés dans son pays, le tout sous couvert d'une fiction pas désagréable à lire, mais très en deçà de ce que son auteur est capable de produire.

D'autres avis :
* Guillaume "Traqueur Stellaire"
* Gromovar "Quoi de neuf sur ma pile ?"

8 commentaires to Flashback, de Dan Simmons:

La Mante a dit…

Comment tu l'as torché lol.

excellente ta chronique

Julie Toral a dit…

En lisant le résumé, je me suis demandé comment le livre avait pu atterrir sur ta pile. A chaque terme ça me faisait "cliché, +1" dans la tête lol
Bon apparemment, la 4e n'est pas menteuse, c'est déjà ça. Les autres Dan Simmons sont plus travaillés ?
Au plaisir de lire de nouveau tes chroniques :)

Vert a dit…

Je ne le démonte pas autant dans ma chronique (à venir), mais j'avoue avoir été déçue, surtout à partir du moment où il commence à marteler ses idées politiques sans grande subtilité...
Hyperion était quand même plus intéressant ^^

Julien Martlet a dit…

@Julie : Pour moi Dan Simmons est un des meilleurs auteurs en imaginaire. Hyperion (SF), Drood (Fantastique/Historique), Terreur (Horreur/Historique) sont des grands livres.

@Calenwen : Je suis bien d'accord.

Alexandre a dit…

L'étatisme semble en effet être le seul mal du monde de flashback, néanmoins je n'y accorde pas tant d'importance, c'est après tout la vision du héros (même si le dialogue entre Léonard et son chauffeur auraient mérité en effet plus d'éclaircissement). Mais le thème sous-jacent directeur du livre me semble plus être le choc de civilisation, qui aurait également mérité d'être plus développé.

C'est vrai que ce n'est pas la première fois que Simmons lâche ses idées politiques dans ses oeuvres, mais là c'est d'une lourdeur qui gâche finalement un ouvrage que j’ai trouvé plutôt agréable à lire.

yueyin a dit…

j'ai raté un truc où tu as un bloc de lecture, pourquoi on ne me dit jamais rien à moi :-))) et sinon on ne dit pas du mal es jeux de rôel, quand je vois ce que Danny a fait de son monde post apo sous dominance japonaise, j'ai envie de lui conseiller Shadowrun (là ou est née Yueyin qui court au côté de Chat) c'est sans prétention littéraire (maisj'adore) et au moins c'est complexe :-))))

Julien Martlet a dit…

Ah, mais j'ai été plutôt sympa avec les jeux de rôles non ?

"les jeux de rôles ont en général des univers plus poussées, et avec moins de clichés que dans ce dernier Simmons"

:-)

Tu connais Shadowrun ?! J'y jouais étant ado, j'aimais beaucoup :-)

Et oui, il parait que j'ai un blog de lecture, mais contrairement à toi, je bats des records d'inactivité...

yueyin a dit…

oui j'y ai joué pendant des années (genre 10 avec le même perso, bon une fois par an, on était déjà un peu grand pas comme quand on jouait plusieurs nuit par semaine :-))) et j'ai lu tous les bouquins... mon personnage s'appelait yueyin c'était un shaman chat j'ai détesté qu'elle meurre (j'ne veux encore au maitre du jeu) du coup j'ai gardé ce nom sur le oueb :-)))

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