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La Fantasy est un genre qui s'essouffle, sans originalité

jeudi 3 mai 2007
En lisant divers blogs et forums sur la toile ces derniers temps, je me rends compte que beaucoup d'entre eux aborde à un moment ou à un autre le même sujet : La Fantasy est un genre qui s'essouffle, il n'y a presque plus d'originalité, seulement des copies des oeuvres des maîtres (Tolkien, Tolkien et parfois Tolkien) par des auteurs dont le seul but est de se remplir les poches (Paolini, Goodkind, Brooks, etc.)

Eh bien je dis oui, effectivement. Oui.

Et non.

C'est un tout petit peu plus complexe que ça, forcément, mais c'est un sujet intéressant parce-que même si c'est une question qui peut finalement être posée pour n'importe quel genre littéraire, la réponse pour la Fantasy n'est pas necéssairement évidente.

La particularité de la Fantasy c'est que par définition c'est un "machin", un genre pas vraiment classable, et qu'on ne sait pas vraiment quoi mettre dedans.

Prenons la Fantasy dans son sens le plus étroit, c'est-à-dire ce que les anglo-saxons appellent la High Fantasy (= fantasy type Tolkien avec magiciens, trolls, etc.). On peut bien sur lui faire le reproche de ne pas se renouveller, et de toute évidence c'est le cas. Mais après tout la High Fantasy c'est de la High Fantasy, on ne va pas demander à un livre de ce genre d'avoir des scènes de combat en vaisseaux spatiaux, ou des joutes de lutteurs greco-romains. Ceci dit, il est probablement possible de réutiliser les clichés du genre et de réaliser un traitement original.

Quoi qu'il en soit, mon principal problème avec les avis dont je parlais plus haut, c'est que leurs auteurs semblent se contenter de cette vision très traditionnelle et limitée du genre.

La Fantasy au sens anglo-saxon du terme, qui englobe ce que l'on appelle le fantastique en France, est tout sauf sclérosée. Peut-être est-ce d'ailleurs cette distinction entre Fantasy = médieval et Fantastique = moderne qui fait se poser en France la question du renouveau du genre, problème qui n'est jamais évoqué chez les internautes anglophones. En effet, je pense qu'en faisant une séparation aussi nette entre ces deux genres voisins de l'imaginaire, les lecteurs ont tendance à ne s'approprier qu'un seul de ses genres et à délaisser l'autre par préjugé.

C'était en tout cas ma situation personnelle avant d'atteindre un bon niveau d'anglais et de pouvoir ainsi nettement étendre mes horizons de lecture, et voir ce qui se passait chez nos voisins. J'ai découvert par la suite qu'une partie des auteurs que je lisait en anglais avait déjà été traduit en français depuis plusieurs années, mais que je les avait ignoré car je n'avais aucune idée que ce qu'ils écrivaient, estampillé fantastique chez nous, était en fait pour la plupart tout simplement de la Fantasy.

(Je vous laisse quelques instants sur cette révélation insoutenable. Je vais reposer mes petits doigts potelés un moment. Je reviens immédiatement après cette brève coupure publicitaire.)

Toute cette tartine pour en venir au fait que, à mon avis, la plupart des personnes qui critiquent la production fantasy actuelle le font sans aucun mauvais esprit, mais ne connaissent en fait pas bien le genre. Ce qui est finalement une bonne nouvelle, puisque cela signifie qu'ils ont des quantités d'oeuvres merveilleuses à découvrir, et c'est un peu la mission de ce blog que de les partager avec eux.

Je vous propose donc maintenant de faire une virée dans la Fantasy au sens large pour essayer de comprendre ce que signifie ce terme pour moi et pour une bonne partie de la planète (vous savez, celle où les armes sont en vente livre...euh libre).

On peut s'amuser à classer les oeuvres de Fantasy en sous-genres, ce qui est un peu vain dans l'absolu mais peut permettre de mettre en évidence la diversité des oeuvres proposées en littératures de l'imaginaire. Ce que je vous propose n'est pas une classification stricte, imposée par l'Académie de la Fantasy mondiale, c'est simplement un outil personnel pour découvrir de nouvelles choses.


High Fantasy : j'en ai déjà parlé, c'est la Fantasy classique : Tolkien, Eddings, Paolini, Goodkind pour ne citer que les plus connus. Force est de constater que Tolkien, en ouvrant la voie, a également fermé la porte derrière lui, tant la richesse de son univers semble impossible à reproduire. Heureusement, rien n'oblige à se battre directement sur le terrain du professeur.

Epic Fantasy : le terme est peut-être impropre, mais s'est énormément popularisé ces dernières années, en faisant le sous-genre de Fantasy le plus dynamique. Les auteurs majeurs sont George R.R. Martin, R. Scott Bakker, Steven Erikson ou encore Greg Keyes. C'est un type de Fantasy qui se concentre sur des conflits politiques et/ou militaires de grande envergure, vue par les yeux de plusieurs personnages aux destins et perspectives opposés. Le but étant de proposer une histoire moins linéaire (les points de vue alternent) et moins manichéenne : il n'y a pas vraiment de "gentils" ou de "méchants", seulement des intérêts divergeants. Ces oeuvres tendent à se concentrer d'avantages sur les protagonistes que sur l'univers qui les entoure.

New Weird : certains grinceront des dents en me voyant employer ce terme, mais tant pis. Il n'y a pas vraiment de Fantasy "New Weird" à proprement parler, mais plutôt une tendance commune à un certain nombre de jeunes auteurs, qui cherchent à proposer des oeuvres de Fantasy se plaçant aux frontières de la Science fiction et/ou de l'Horreur. Les principaux auteurs catégorisés New Weird sont China Miéville(*), Jeff VanderMeer, Hal Duncan ou encore K.J. Bishop. Les auteurs de ce courant tendent à réutiliser les clichés de la High Fantasy (créatures, magiciens, univers médiéval ou renaissance) et à les combiner à un traitement très sombre : cités décadentes, créatures mi-monstres mi-humaines, éléments steampunk).

Urban Fantasy : ce genre est un peu foure-tout, pouvant accueillir le meilleur (Charles de Lint, Neil Gaiman, China Miéville(**)) comme le pire (je vous laisse deviner) et correspond plus ou moins à notre genre "Fantastique". On peut y mettre tout ce qui touche au surnaturel tout en prenant pour base le monde réel. Le traitement est par contre très variable, pouvant aller des chroniques de vie mélancoliques de Charles de Lint aux enfants sorciers de J.K. Rowling.

Light Fantasy : c'est de la fantasy basé sur l'humour ou l'absurde, comme les oeuvres de Terry Pratchett. Un auteur de light fantasy francophone : Fabrice Colin avec "A Vos Souhaits".

Slipstream/Magical realism : difficile à décrire, car on touche aux limites de la fantasy, ces deux genre voisins sont très proches de la fiction classique dans le ton, si ce n'est la présence d'éléments surnaturels plus ou moins important : Gabriel Garcia Marquez, Kelly Link, Haruki Murakami...

Historical Fantasy : c'est un sous-genre qui se rapproche de l'uchronie, avec une base historique quelconque sur laquelle on ajoute des éléments fantasy : "Le Lion de Macédoine" de David Gemmell ou la plupart des romans de Guy Gavriel Kay.

Bref, on peut continuer comme cela longtemps mais il n'est pas difficile de voir que ces sous-genres se chevauchent tous plus ou moins. Cette classification est tout de même utile, pas dans un but futile de catégorisation mais pour faciliter la découverte d'oeuvres peu connues dans un genre immense. Elle permet de se poser des questions comme : Avez-vous déjà lu une oeuvre New Weird ? Une oeuvre Slipstream ? de la Fantasy historique ? Elles ne vous plairont peut-être pas, mais après tout vous ne perdez rien à essayer...et vous avez peu de chances de tomber sur un clone des grands classiques. Si vous recherchez des oeuvres un peu alternatives, n'hésitez pas à demander des conseils sur les forums en donnant des noms de sous-genres que vous souhaitez explorer, les avis peuvent être très pertinents.

Le reste ne dépends que de vous. Rompez soldat, et bonne chance dans vos recherches :D

(*) : Perdido Street Station, The Scar (Les Scarifiés)
(**) : King Rat (Le Roi des Rats), Un Lun Dun

5 commentaires to La Fantasy est un genre qui s'essouffle, sans originalité:

LeGnoll a dit…

Billet tres interessant a lire.
Je voudrais juste apporter ma modeste pierre a l'édifice pour ce qui concerne la critique de ces gens qui qualifient la fantasy comme un gnre qui s'essouffle sans consideration pour la richesse des sous genre explicitée dans ce billet.

Si certains considérent que le genre s'enferme dans des poncifs en suivant des Pères ayant balisé la voie, c'est qu'ils n'ont que peu d'idée du fonctionnement du gout.

C'est ce qui m'a frappé récement lors d'un cours écouté béatement il y a de ça quelques jours.

L'exemple de la musique pour comprendre ce fonctionnement est celui qui m'a paru le plus marquant. Comme dans toutes choses, la qualité peut pour une part se juger dans la part faite entre inventivité et sérialité. En musique quand on entend une note l'esprit anticipe la suivante. Si la note qui suit est toujours celle qu'a envisagé l'oreille, on s'ennuit profondément. A l'inverse si c'est jamais celle attendue, c'est discordant, pour ne pas dire cacophonique.

Il en va de meme avec la Fantasy. Le lectorat se plait a retrouver le confort de la sérialité, celle la meme qui berce son imagination et permet de faire des parralleles entre les differents grands cycles. Mais il lui faut également une part d'inventivité qui puisse faire emerger la qualité propre de l'oeuvre et donc de la vitalité du genre.

Cette inventivité se révèle dans les sous genre bien mis en lumiere dans votre billet.
La fantasy n'est certainement pas un genre qui se meurt.

Soorie a dit…

La fantasy est pour moi loin de s'essoufler dans les traces de ses maitres. Ses maîtres ?? Oui ok, je vous l'accorde on ne peut que les admirer pour avoir eu l'imagination et l'audace necessaire à lancer la fantasy et à en faire un genre littéraire passionnant et reconnu. Bien, mais depuis ? Depuis les élèves ont largement dépassé les maîtres (d'aucun penserons que je mérite le bûcher pour cette pensée). L'écriture sur-alambiquée et lourdingue de Tolkien et de certains autres (genre Bradley... mais là je risque la torture en plus du bûcher) et autres anglo-saxon de la (des) premières vagues sont presque devenus des "imbitables" (pardonnez-moi l'expression) en comparaison d'oeuvres de fantasy modernes. Je fais référence par exemple à Robin Hobb ou encore plus a Glen Cook. Ceux-ci ont su décrotter leurs pages de tous les poncifs du genre et à la place des clichés ont retrouve des univers nouveaux, extrèmement riches et bien décrits, des personnages profonds et très cohérents, un language et un vocabulaire inédits et remarquablement bien utilisés. Tolkien était un historien débordant d'imagination mais en tant qu'écrivain on a vu mieux et même bien avant lui.

Voilà c'était ma ptite pierre à moi aussi. Celà dit je trouve ton article interessant !
Et je ne peux que conseiller Glen Cook (La Compagnie Noire par exemple, désormais entièrement traduite) pour plonger dans une fantasy haute en couleur. La preuve que le genre ne s'essoufle pas, à mon sens. C'est d'ailleurs de la Dark-fantasy (heu je sais pas trop ou le placer cui-là... ^^)

Martlet a dit…

@legnoll : bienvenue, et merci pour ce message.

J'aime beaucoup la comparaison entre la fantasy et la musique. C'est tout à fait approprié, et on retrouve beaucoup de similarités (division en sous-genres assez artificielle, admirateurs des "grands anciens" contre partisans du modernisme, courants auto-proclamés comme intellectuels, courants populaires...)

Rien de nouveau finalement, puisque ces schismes font partis intégrante de tous les domaines culturels, mais c'est intéressant de voir que la Fantasy n'y échappe pas.

@soorie : je ne suis pas certain de comprendre ton message. Le ton un peu virulent me laisserais penser que tu n'es pas d'accord avec mon analyse, mais tu cherches finalement à prouver que la Fantasy est en plein renouveau...ce qui est exactement le sens de mon billet...

Et pour me perplexifier (néologisme) encore un peu plus, tu utilise comme exemple une série qui date d'il y a vingt ans...difficilement une preuve du renouveau du genre.

Bref, vous me voyez confus, mademoiselle. ^^

Soorie a dit…

Héhé certe ce n'est peut-être pas clair. En résumé je suis d'accord avec toi, avec le fait que le genre ne s'essoufle pas. Mais je pense que c'est en grande partie parce que les auteurs qui en sont à la base (Donc Tolkien d'abord) n'étaient pas si bon que ça ^^. Cook qui a commencé sa compagnie noire il y a 20 ans est quand même loin d'être un auteur de la première génération fantasy (presque 50 ans après Bilbo), et il continu à écrire (de même pour Hobb). Par contre pour le ton virulent, je le pensais pas à ce point ;) et il ne t'est pas spécialement adressé. Je fais partie des gens qui en ont marre de voir Tolkien toujours en première place, alors que c'est un écrivain finnalement moyen (ce qui n'enlève rien à son génie par ailleurs). Il n'est plus LA Référence avec un R majuscule.
Voilà c'est tout :) mon but n'etait pas du tout de te contredire mais de rebondir sur l'idée de depart ("ssbouuuinnng" ayé c'est fait).

Martlet a dit…

Mouais, ça ira pour cette fois...mais ne t'avise plus de me contredire !

:-D

Qu'il y ait autant de gens qui considèrent Tolkien (ou qui que ce soit) comme le plus grand, ça ne me dérange pas.

Surtout quand la plupart de ceux qui font ce genre de déclarations n'ont pas lu plus de 3 livres...

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